Amélie Duranleau (version française)

Directeur Exécutif

Quebec Intellectual Disability Society

aduranleau [at] sqdi [dot] ca

Mesdames, messieurs, membres du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir (AMM), nous tenons premièrement à vous remercier de l’occasion que vous offrez aujourd’hui à la Société québécoise de la déficience intellectuelle.

D’emblée, nous souhaitons préciser que notre organisation n’est pas opposée à l’aide médicale à mourir pour les personnes en fin de vie.[1] Nous demandons plutôt que des protections adéquates soient mises en place pour s’assurer qu’aucune dérive n’aura lieu. Nous pensons que le législateur se doit d’être prudent et de considérer les forces systémiques qui pourraient menacer les personnes en situation de handicap et spécifiquement les personnes ayant une déficience intellectuelle.

Mentionnons ici que la déficience intellectuelle, ou le handicap en général, ne devrait jamais être un critère permettant l’accès à l’AMM. Avec le soutien nécessaire et les mesures d’accommodement pertinentes, les personnes présentant une déficience intellectuelle peuvent vivre des vies épanouies et riches. Si les personnes se trouvent à vivre avec des souffrances intolérables en lien avec leur déficience intellectuelle, c’est parce que la société ne les inclut pas et qu’elles manquent de services.

La Société est également très préoccupée par la possibilité d’autoriser à toutes les étapes de demande d’AMM le consentement substitué pour les personnes inaptes. Cette possibilité avait notamment été soulevée par l’Assemblée nationale du Québec et, même si une telle question n’est pas à l’étude aujourd’hui, il importe d’en parler.

D’une part, le recours à l’AMM devrait toujours être lié à la validation d’un consentement libre et éclairé de la part de la personne qui la recevra; d’autre part, il peut être difficile d’évaluer ce consentement pour les personnes inaptes, particulièrement celles ayant une déficience intellectuelle plus sévère. Si ces personnes peuvent vivre de la détresse en lien avec la mort d’une personne dans leur entourage (Chow et al., 2017), il est généralement plus difficile pour elles de comprendre le caractère permanent et irréversible de leur propre mort (Anne Dusart, 2008).

Nous demandons donc au législateur de ne pas permettre un consentement substitué pour les personnes inaptes. Concernant la volonté du législateur de potentiellement permettre l’utilisation de directives anticipées pour l’accès à l’AMM, nous souhaitons ramener au centre des débats la question de la validité du consentement.

En effet, le fait de demander à une tierce personne de consentir de façon substituée à une procédure qui mène à la mort est différent du fait de produire des demandes anticipées pour refuser certaines procedures pouvant mener à une mort naturelle.[2]

En ce sens, ouvrir la porte au consentement substitué, même pour des personnes qui avaient préalablement consenti, nous semble dangereux et ne pas respecter l’esprit de l’arrêt Carter qui mettait la question du consentement au coeur de l’accès à l’AMM.

En conclusion, nous pensons que l’AMM doit être une mesure de dernier recours pour des personnes qui sont aptes à produire un consentement libre et éclairé et qui, en fin de vie, vivent dans des souffrances intolérables. Nous distinguons également les questions de directives anticipées en matière de soins et les directives anticipées en lien avec l’AMM. Les unes permettent la mort naturelle, alors que les autres entrainent le recours à une procédure active qui met fin à la vie.

Par ailleurs, pour nous, le consentement substitué ne devrait jamais être permis pour les personnes inaptes, puisque ces personnes ne peuvent fournir un consentement libre et éclairé. L’arrêt Carter mettait la question du consentement au coeur de l’accès à l’AMM. Il importe de respecter ce principe fondamental de justice et d’éthique de la santé.

Enfin, dans l’éventualité où des personnes ayant une déficience intellectuelle en fin de vie feraient une demande par elles-mêmes, sans aucune pression indue, alors nous pensons qu’elles devraient être évaluées comme toutes les autres personnes, tant que leur accès à l’AMM ne se fait pas sur la base du handicap. Il est toutefois important de se doter de mécanismes de protection plus robustes afin de faire barrière au capacitisme et à la dévaluation de la vie des personnes en situation de handicap.

Endnotes

1. Il est important de noter ici que notre organisation n’a pas de position concernant l’élargissement de l’AMM pour les personnes présentant des troubles de santé mentale ou pour les mineurs matures.

2. Dans le cas de directives anticipées en lien avec l’AMM, il y a recours à un consentement substitué pour effectuer une procédure menant à la mort de la personne. La personne ne consent donc pas au moment de la procédure et il n’y a aucun moyen de savoir si la personne maintient encore ou non son consentement.Dans le cas de directives de refus de soin, la personne choisit elle-même l’arrêt des soins et fournit son consentement direct pour que la mort naturelle arrive.

References