Entre l’accommodement de la croyance religieuse et l’accommodement du handicap en milieu scolaire: les tribunaux devraient-ils adapter leur analyse?

Marie-Eve Gagné

Résumé

Une conséquence naturelle de la reconnaissance d’un droit doit être l’acceptation sociale de l’obligation générale de le respecter et de prendre des mesures raisonnables afin de le protéger1

En s’inspirant d’un concept juridique développé aux États-Unis, le plus haut tribunal du pays a rendu en 1985 un jugement qui consacre l’existence du concept d’accommodement raisonnable au Canada lorsqu’il y a preuve de discrimination. Au départ imaginé pour répondre aux discriminations basées sur le motif de la croyance religieuse, l’évolution du concept permet aujourd’hui son application à d’autres contextes et à d’autres motifs prohibés: c’est notamment le cas du handicap.

L’article qui suit survole l’application de ce concept en milieu scolaire à l’égard d’élèves en situation de handicap et d’élèves ayant des croyances religieuses spécifiques. Cette démarche comparative s’inscrit dans l’intention d’identifier certains obstacles rencontrés par les élèves qui revendiquent leur droit à l’éducation et à l’égalité devant les tribunaux. Celle-ci est relativement peu abordée dans les écrits scientifiques alors qu’elle revêt pourtant une importance particulière compte tenu de l’âge, de la vulnérabilité des principaux plaignants et de l’urgence de trouver une solution concrète afin de faciliter un réel accès à l’éducation.

Du même souffle, l’article propose une réflexion sur l’utilisation d’un test non adapté aux caractéristiques particulières du handicap dans l’analyse des tribunaux. Le cadre normatif et les décisions récentes québécoises ont plus particulièrement servi à ces fins.

Mots clés

Entre l’accommodement de la croyance religieuse et l’accommodement du handicap en milieu scolaire: les tribunaux devraient-ils adapter leur analyse?

Marie-Eve Gagné

Introduction

Le droit tente souvent d’exprimer un idéal2. Or, même si chacun croit avoir une compréhension intuitive de la signification de l’égalité, l’approfondissement de ce concept met en lumière la pluralité de sens à lui donner3. Au final, « tout le monde n’a pas la même définition de la notion d’égalité ni la même idée de ce à quoi devrait ressembler une société égalitaire »4. Ainsi, bien que l’accommodement raisonnable soit issu de la volonté de servir le droit à l’égalité, il est difficile d’en cerner de façon claire et efficace la portée et les caractéristiques5.

Le concept d’accommodement raisonnable est une construction juridique relativement récente dont l’application au motif prohibé du handicap en milieu scolaire l’est encore plus6. Les tribunaux n’ont que rarement eu l’occasion d’analyser les questions qui découlent de son application et le test utilisé demeure non adapté à la réalité des élèves en situation de handicap.

À partir d’une comparaison avec l’analyse des requêtes d’accommodement des croyances religieuses en milieu scolaire, le présent article propose une réflexion sur le rôle des tribunaux dans les obstacles que rencontrent les étudiants en situation de handicap qui revendiquent leur droit à l’égalité. Bien que cette démarche de comparaison entre les accommodements religieux et les accommodements du handicap ait fait ressortir certaines différences limitant parfois les conclusions7, il demeure pertinent d’alimenter la réflexion sur le milieu scolaire et l’analyse judiciaire des demandes qui en sont issues.

Le cadre normatif québécois servira plus particulièrement aux fins de cet article, compte tenu du caractère actuel du problème démontré par le nombre important de plaintes déposées par les élèves en situation de handicap auprès de la Commission des droits de la personne dans les dernières années8, mais aussi de l’intérêt que présentent certaines décisions rendues récemment.

Même si «l’obligation d’accommodement [apparaît maintenant] comme une condition indispensable à l’exercice en pleine égalité du droit à l’instruction publique»9, nombreux sont les défis qui se présentent dans les milieux scolaires10. En choisissant de revendiquer leur droit à l’égalité devant les tribunaux, plusieurs autres obstacles juridiques doivent être surmontés. Les décisions étudiées dans le cadre de cet article permettent de mettre en lumière quelques-unes de ces problématiques et de susciter la réflexion sur la nécessité d’un test mieux adapté à la réalité du handicap en milieu scolaire. À cet effet, le texte met d’abord en lumière certaines lacunes dans l’analyse des tribunaux qui tendent rapidement à approuver les mesures mises en place par les commissions scolaires sans véritablement trancher sur leur efficacité. En acceptant cet idéal imparfait, le tribunal s’éloigne du meilleur intérêt de l’enfant. Dans un deuxième temps, il sera question des paramètres indéfinis de la limite de contrainte excessive qui est souvent utilisée devant les tribunaux pour justifier l’absence d’accommodement pour un élève. Finalement, les décisions québécoises les plus récentes seront utilisées afin de tenter de faire ressortir les nouveaux développements et les problèmes qui subsistent en ce qui a trait au fardeau de preuve imposée aux familles qui revendiquent une mesure d’accommodement.

Obstacles rencontrés devant les tribunaux

Acceptation d’un idéal imparfait

Dans le contexte des accommodements religieux, les tribunaux parlent souvent de façon positive de trouver un « terrain d’entente », un « compromis », une « solution » pour les parties11. Dans le contexte du handicap, les tribunaux répètent souvent que l’obligation d’accommodement raisonnable est une obligation de moyen plutôt que de résultats12. Les commissions scolaires n’ont ainsi qu’à démontrer qu’ils ont mis en place une mesure d’accommodement qui cadre avec la loi, et ce, quel qu’en soit le degré d’efficacité, d’intégration ou de discrimination pour obtenir gain de cause13.

Le fardeau de preuve imposé aux familles devient alors d’autant plus difficile à rencontrer puisque les commissions scolaires et les acteurs du milieu peuvent facilement invoquer que, bien que les mesures mises en place ne soient pas celles souhaitées par les parents, ils ont offert d’autres accommodements adéquats en regard des besoins de l’enfant14. La recherche d’un compromis ou d’un terrain d’entente pour rapprocher les positions des deux parties n’est pas considérée dans la démarche.

L’auteure australienne Élizabeth Dickson pose d’ailleurs plusieurs questions qui peuvent être pertinentes en regard de la qualification de l’obligation d’accommodement d’obligation de moyen. Par exemple, qu’en est-il si l’institution scolaire met en place une mesure d’accommodement raisonnable, mais de façon tellement lente que l’enfant en subit un préjudice? Peut-on alors néanmoins conclure que l’établissement s’est acquitté de son obligation? Si on répond par la négative, comment évaluer et réparer le dommage subi15? Dans le même ordre d’idées, l’institution scolaire devrait-elle être déchargée de son obligation lorsque l’élève handicapé peut fonctionner sans mesure d’accommodement, mais que la situation l’empêche d’atteindre son plein potentiel16?

En laissant aux institutions scolaires la discrétion de juger quel accommodement permet de répondre aux besoins de l’enfant, et en ne vérifiant que la mise en place d’ajustements par la suite, les tribunaux n’effectuent que très peu de contrôle sur l’efficacité concrète des mesures proposées par les établissements scolaires. On peut alors s’interroger à savoir si l’intérêt de l’enfant occupe réellement la place qui lui revient dans l’analyse.

Au Québec, bien que la Cour d’appel ait rappelé en 2006 que l’intérêt de l’enfant devait être au cœur de la démarche d’analyse des tribunaux17, aucun critère ou définition n’a été élaboré pour permettre aux différents acteurs de déterminer quel est cet intérêt ni comment il devait être utilisé dans l’analyse18. En 2009, s’appuyant notamment sur le droit international, le TDP proposait un nouveau test, pour que « l’intérêt de l’enfant [soit évalué] en fonction d’une évaluation individualisée et après avoir envisagé toutes les mesures d’adaptation en vue de son intégration en classe ordinaire […]»19. Or, en 2012, la Cour d’appel a condamné l’analyse proposée par le tribunal des droits de la personne20 en raison du lien fautif qu’elle établissait entre l’intérêt de l’enfant et l’intégration en classe ordinaire. En invalidant la décision de première instance, la Cour d’appel a toutefois laissé passer une opportunité de préciser les critères d’analyse et de proposer un test mieux adapté à la réalité des élèves en situation de handicap. Au surplus, en condamnant le lien entre intérêt supérieur de l’enfant et intégration, la Cour d’appel s’inscrit en contradiction avec le mouvement en faveur de l’école inclusive observable dans les discussions internationales pour lutter contre la marginalisation et l’exclusion21. La qualification de l’obligation d’accommodement comme une obligation de moyen semble également avoir un effet sur l’appréciation de la preuve d’experts. Dans l’affaire Lester B. Pearson par exemple, après avoir entendu 6 experts donner leur vision de l’intégration scolaire, la Cour se contente d’affirmer que « le débat ne peut être tranché par une Cour de justice et [que] rien au dossier ne démontre que la politique adoptée par la commission scolaire n’est pas conforme à la Loi […] »22. Ainsi, même si la Cour d’appel reconnait que la demande des parents est dictée par leur volonté de procurer à leurs enfants un enseignement qui convient à leurs besoins spécifiques, elle refuse de trancher23. Cette absence de prise de position est fréquente en ce qui a trait aux demandes formulées par les élèves en situation de handicap et leurs familles. Il en découle que les mesures déjà en vigueur et jugées inadéquates par les parents demeurent celles en place24.

Or, si l’intérêt de l’enfant doit être évalué au cas par cas, il semble à tout le moins que, comme le suggérait récemment la professeure Mona Paré, la Cour devrait vérifier si « les mesures prises par la commission scolaire ont un effet intégrateur ». Même si les tribunaux se montrent très réticents à prendre position dans les débats d’experts, il semble à tout le moins que pour se conformer au droit international, « le refus d’accorder à un élève des mesures qui lui permettent une réelle intégration [pourrait constituer] une preuve de discrimination prima facie ». La professeure Paré soutient également avec justesse que l’absence d’accommodement et les mesures qui ne tendent pas vers l’intégration sociale de l’enfant devraient être reconnues comme des cas de discrimination25.

En somme, la qualification de l’obligation d’accommodement raisonnable comme une obligation de moyens en regard de l’éducation des élèves en situation de handicap empêche les familles d’obtenir un résultat satisfaisant lors de la judiciarisation des dossiers. Les tribunaux devraient pousser davantage leur analyse pour vérifier l’efficacité concrète des mesures mises en place par les commissions scolaires et ainsi s’assurer d’une part que l’intérêt de l’enfant est véritablement rencontré et d’autre part, que tout est mis en œuvre pour que les mesures les plus inclusives soient favorisées. Un approfondissement de l’analyse en ce sens contribuerait à augmenter l’efficacité des recours en justice et marquerait une avancée significative pour les familles demanderesses qui tentent d’obtenir une solution concrète et un véritable terrain d’entente. À l’heure actuelle, la preuve des commissions scolaires est facilitée, puisque le tribunal tranche rarement parmi les opinions d’experts entendus et n’évalue pas si une méthode alternative aurait pu être mise en place pour obtenir des effets plus bénéfiques sans imposer de contrainte excessive.

Interprétation variable de ce que constitue une contrainte excessive

Dans un deuxième temps, il faut aussi rappeler que l’évaluation du caractère raisonnable de l’accommodement requis s’inscrit dans l’analyse de ce que constitue une contrainte excessive pour l’institution scolaire26. Or, bien que les tribunaux aient fixé certaines limites en ce qui concerne les accommodements raisonnables en milieu de travail27, celles-ci demeurent beaucoup moins claires en milieu scolaire. L’incertitude qui en découle augmente le niveau de risque associé à un recours devant les tribunaux pour invoquer la violation de son droit à l’égalité. Il est donc intéressant de s’attarder à quelques décisions récentes qui permettent de clarifier l’état du droit.

Au Québec par exemple, le tribunal des droits de la personne réitérait en mars 2014, sur la base des enseignements de la Cour d’appel dans l’affaire Commission scolaire des Phares, que « c’est au moment où une commission scolaire décide du classement de l’élève en classe régulière ou en classe spéciale que ce moyen peut être invoqué »28. En effet, dans sa décision 2006, la Cour d’appel du Québec écrivait que « si la commission scolaire démontre que les adaptations nécessaires à l’intégration de l’élève dans une classe ordinaire lui causent une contrainte déraisonnable […], elle pourra alors placer l’enfant en classe spécialisée à plein temps »29.

Le tribunal va plus loin et précise que:

Il ne serait certes pas dans le meilleur intérêt de l’enfant qu’une commission scolaire prenne la décision de l’intégrer en classe régulière, tout en sachant qu’elle ne dispose pas des moyens de lui fournir, en classe régulière, les mesures d’adaptation requises par ses besoins spécifiques.30

En effet, selon le tribunal, si une commission scolaire prend la décision d’intégrer un élève en classe régulière, « elle ne peut alors invoquer l’existence d’une contrainte excessive pour se libérer de son obligation de lui fournir les mesures d’adaptation requises »31. Permettre une telle défense afin de justifier l’inaction « équivaudrait à priver [l’]élève de l’accommodement auquel la Charte lui donne droit »32.

Dans une décision plus ancienne, la Cour suprême précisait que:

L’utilisation de l'adjectif « excessive » suppose qu’une certaine contrainte est acceptable; seule la contrainte « excessive » répond à ce critère. Les mesures que l’auteur de la discrimination doit prendre pour s'entendre avec le plaignant sont limitées par les expressions « raisonnables » et « sans s’imposer de contrainte excessive ». Il s’agit là non pas de critères indépendants, mais de différentes façons d'exprimer le même concept. (p. 994)33.

Malgré ces précisions récentes, le concept de contrainte excessive opposé comme moyen de défense aux demandes d’accommodements raisonnables demeure relativement non balisé dans le contexte scolaire. À l’heure actuelle, plusieurs arguments peuvent donc être invoqués au soutien de la défense de contrainte excessive et l’analyse variera en fonction des circonstances et du contexte de chaque affaire34. Le présent article s’intéresse particulièrement aux arguments qui invoquent la mission de socialisation de l’école et de celui du fardeau financier puisqu’ils permettent d’observer certaines différences entre les dossiers d’accommodement religieux et d’accommodement du handicap.

Mission de socialisation de l’école

Dans un rapport publié en 2007, le Comité consultatif sur l’intégration et l’accommodement raisonnable en milieu scolaire qualifiait de légitimes les inquiétudes relatives à la marginalisation des minorités entraînée par l’acceptation d’accommodement raisonnable en matière religieuse. Dans le même ordre d’idées, certaines critiques mettent en lumière le risque d’une « socialisation déficiente par rapport aux valeurs communes » des élèves ayant certaines croyances religieuses et qui présentent des demandes d’accommodements35. Suivant ce raisonnement, les accommodements raisonnables qui se matérialisent par certaines exemptions pourraient constituer « une menace à la mission de l’école qui doit socialiser l’ensemble des élèves aux valeurs communes » et empêcher les élèves de « faire les mêmes apprentissages sociaux »36. Dans la décision Adler par exemple, la juge McLachlin reconnaissait que la discrimination était justifiée puisque « le refus de financer les écoles séparées a un lien rationnel avec l’objectif d’une société plus tolérante »37. Les juges de l’affaire Multani se sont quant à eux appuyés sur « l’éducation des élèves à la tolérance » pour rendre leur jugement38.

On peut donc s’étonner que la mission de socialisation de l’école ne bénéficie pas de la même importance dans le raisonnement des commissions scolaires lorsqu’il est question d’accommodement du handicap.

Si, d’une part en matière d’accommodement religieux, la mission de scolarisation de l’école envers les élèves peut être un argument au soutien de la contrainte excessive imposée par une mesure d’accommodement, il serait logique que, d’autre part, les mesures qui favorisent l’inclusion des élèves en situation de handicap soient favorisées devant les tribunaux. D’ailleurs, « le fait pour les autres élèves de pouvoir côtoyer une personne ayant différentes capacités contribue à la socialisation et au respect de la tolérance »39. Il serait ainsi souhaitable qu’une étape officielle de l’analyse judiciaire permette de vérifier le niveau d’inclusion de l’élève et la rencontre de la mission de socialisation de l’école.

Austérité budgétaire et fardeau financier

L’accommodement du handicap représente certainement des coûts plus importants que ceux attribuables à l’accommodent religieux. En effet, et tel que le constate José Woehrling40, l’accommodement religieux consiste souvent à dispenser les élèves d’une règle contestée. Le rapport Bouchard Taylor41 fait d’ailleurs ressortir quelques exemples de mesures d’accommodement religieux demandé dans les milieux scolaires. Il s’agit dans certains cas d’assouplir le code vestimentaire pour permettre le port du voile, de dispenser les étudiants d’un cours de piscine, ou à d’autres moments, comme dans l’affaire Multani, de permettre à un étudiant sikh de garder son poignard à l’école malgré l’interdiction de la possession d’armes. Ces mesures n’impliquent aucun coût pour les institutions scolaires, outre ceux du personnel administratif chargé d’évaluer la demande lorsqu’elle est reçue. Même lorsque l’accommodement nécessite la mise en place d’un cadre particulier, lorsqu’on demande par exemple d’offrir des repas sans porc à la cafétéria ou de mettre à la disposition des étudiants un local de prière, les coûts engendrés par ces demandes d’accommodements sont limités.

Il en est toutefois bien autrement dans le cas des élèves en situation de handicap pour qui l’accès à l’éducation nécessite l’embauche d’enseignants spécialisés et de personnel de soutien, l’achat d’équipements et des modifications majeures aux établissements scolaires. Dans ce contexte, la limite de contrainte excessive constitue pour ces élèves un obstacle très important.

Le fardeau financier au soutien de l’argumentation de contrainte excessive devient ainsi une épée de Damoclès sujette à une évaluation plus souvent subjective qu’objective par les institutions scolaires. Au Québec, la loi ne propose aucune définition ou critère d’évaluation pour déterminer ce qui constitue un fardeau injustifié pour l’établissement scolaire. Comme le remarquait Vernor Munos, « les idées fausses sur le handicap de manière générale, et en particulier l’idée que les enfants handicapés doivent soit s’adapter  aux écoles ordinaires soit fréquenter des écoles spéciales, sont encore très répandues ». Plusieurs institutions scolaires concluent rapidement que les mesures d’accommodements imposeraient une contrainte excessive42.

Les faits de la décision Moore ont néanmoins permis à la Cour suprême de se pencher sur la question très récemment. Dans cette affaire, bien que le district scolaire ait fait la preuve de difficultés financières importantes, la Cour suprême retient que les « compressions avaient visé de manière disproportionnée les programmes destinés aux élèves ayant des besoins spéciaux ». Au surplus, dans la gestion de ses ressources, le district avait choisi de maintenir des programmes discrétionnaires comme « l’école en plein air » et « n’avait procédé à aucune évaluation, financière ou autre, des solutions de rechange qui existaient ou auraient pu raisonnablement être trouvée pour répondre aux besoins des élèves ayant des besoins spéciaux si la décision de fermer le Centre de diagnostic était prise »43.

Quelques années plus tôt, la Cour d’appel du Québec était arrivée à des conclusions similaires dans l’affaire Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu en confirmant la décision de première instance à l’effet qu’« il était possible dans les 60 millions de budget […] de répartir les ressources financières affectées aux services aux élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage de manière à trouver, […] un, deux ou trois postes de techniciens spécialisés »44. Du même coup, la Cour a refusé l’argumentation selon laquelle le financement d’une éducatrice à temps plein pour l’élève pouvait constituer une contrainte excessive45.

Sur la base de ces enseignements, la professeure Mona Paré est d’avis que, dans le domaine de l’éducation, « les coûts [estimés de l’accommodement envisagé] devraient avoir une influence réelle et considérable sur la capacité de l’école de fonctionner et de respecter ses missions pour être considérés comme étant une contrainte excessive pour le pourvoyeur de service »46.

C’est également la position exprimée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies dans une étude récente47 où il est suggéré de se référer aux Directives concernant l’obligation d’agir en vue de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels au maximum des ressources disponibles48 pour interpréter le caractère raisonnable de certaines mesures, du moins dans l’attente que le Comité des droits des personnes handicapées formule ses propres directives à cet égard.

En se référant auxdites directives, on constate que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels donne plusieurs indications qui peuvent certainement servir d’inspiration et de base de réflexion en regard de l’argument de l’insuffisance des ressources financières, notamment :

Bien qu’elle conditionne dans une large mesure l’obligation d’agir, la « disponibilité de ressources » ne modifie en rien le caractère immédiat de l’obligation, et un manque de ressources ne peut à lui seul justifier l’inaction. […]
Le Comité a déjà souligné par le passé que même en temps de grave pénurie de ressources les États parties étaient tenus de protéger les membres ou groupes les plus défavorisés et marginalisés de la société en mettant en œuvre des programmes ciblés relativement peu coûteux. […]
En ce qui concerne les obligations de fond qui incombent aux États parties au regard de chaque droit reconnu dans le Pacte, il est noté dans l’Observation générale no 3 que,
pour qu’un État partie puisse invoquer le manque de ressources lorsqu’il ne s’acquitte même pas de ses obligations fondamentales minimum, il doit démontrer qu’aucun effort n’a été épargné pour utiliser toutes les ressources qui sont à sa disposition en vue de remplir, à titre prioritaire, ces obligations minimum […]49. [Nous soulignons]

La raisonnabilité d’une mesure d’accommodement ne devrait pas dépendre de la condition budgétaire en vigueur. À défaut, cela revient à dire que la société accepte que des générations d’étudiants en situation de handicap soient sacrifiées en raison d’une période d’austérité budgétaire. Certes, il s’agit d’un débat de société et de distribution des ressources. Il s’agit toutefois également d’une question de droits fondamentaux et de dignité humaine.

D’autant plus que tel que le soulignait le Directeur de Programmes Fonds des Nations Unies pour l’enfance lors d’un débat de la Conférence des États parties, il faut considérer :

[l]e coût de l’exclusion [qui] est supporté avant tout par ceux qui en sont directement affectés – les enfants handicapés et leurs familles – mais également par la société dans son ensemble, car l’exclusion des enfants handicapés des possibilités d’éducations et professionnelles engendre un coût social50.

Or, tant qu’il y aura une discrimination systémique à l’endroit des enfants en situation de handicap et que la majorité les croira incapables de tout apprentissage, les gouvernements et la société ne seront pas prêts à investir pour les accommodements raisonnables à leur égard51.

Fardeau de preuve en matière d’accommodement du handicap

Les tribunaux ont eu quelques occasions récentes d’adapter le test relatif aux demandes d’accommodements raisonnables du handicap en milieu scolaire. La Cour suprême du Canada a d’ailleurs reconnu dans l’arrêt Moore en 2012 la nécessité d’un test adapté aux élèves en situation de handicap52. Bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction, la portée de ce jugement reste limitée, puisque la cour a refusé de statuer de façon systémique, se contentant plutôt de restreindre ses conclusions au cas individualisé sous étude.

La Cour suprême réitère également dans ce jugement que l’atteinte d’une égalité substantive passe par l’égalité des chances et non nécessairement par l’intégration en classe régulière53. Elle accorde finalement une très grande déférence aux autorités provinciales compétentes pour légiférer sur le sujet54, limitant ainsi d’autant plus sa réflexion.

Le jugement demeure toutefois pertinent en ce qui a trait à l’identification des groupes comparateurs pour établir la discrimination55. En effet, la Cour affirme que l’élève en situation de handicap doit être comparé à tous les élèves et non seulement aux autres élèves ayant des besoins spéciaux. Autrement, tous les programmes destinés aux élèves en difficultés pourraient être supprimés sans qu’on ne puisse faire une preuve de discrimination56.

D’autre part, la Cour d’appel s’est prononcée en 2012 dans la suite de Commission scolaire des Phares (2012) en manifestant un « profond désaccord »57 avec le raisonnement de la juge de première instance58. La Cour d’appel infirme donc le jugement du tribunal des droits de la personne qui ramenait de l’avant la norme de l’évaluation individualisée de l’enfant pour réitérer l’approche de l’affaire Eaton. La Cour d’appel insiste donc d’abord sur le fardeau de preuve qui incombe aux demandeurs de faire la démonstration de la discrimination dont l’enfant aurait été atteint, que celle-ci soit directe, indirecte ou systémique59. Cette preuve doit permettre d’identifier une « injustice » à l’égard de l’enfant et la bonne foi est présumée à ce stade.

Ensuite, la Cour rappelle qu’« il faut se demander si les mesures d’adaptation proposées étaient raisonnables et dans l’intérêt de l’enfant ». Pour ce faire, la cour réitère la démarche élaborée dans sa décision de 2006 voulant que :

il faut voir si l’élève a reçu une évaluation personnalisée permettant de déterminer ses besoins et ses capacités, si l’appelante s’est demandée si les apprentissages et l’insertion sociale de l’élève seraient facilités dans une classe ordinaire, si l’appelante a élaboré un plan d’intervention envisageant les adaptations raisonnables susceptibles de permettre une intégration de l’enfant en classe ordinaire. La bonne décision sera celle qui rejoint l’intérêt de l’enfant.60

Citant des décisions du milieu des années 90, la Cour d’appel réitère certaines de ses positions quant à l’examen des mesures d’adaptation. Elle mentionne que celui-ci doit être effectué « [s]ous l’aspect de leur raisonnabilité au regard du droit de [l’élève] de recevoir, en pleine égalité, des services éducatifs adaptés à ses besoins de manière à favoriser ses apprentissages et son insertion sociale dans le milieu le plus normal possible »61.

Encore une fois, on peut se demander si par cette décision la Cour d’appel a contribué à ralentir le progrès et l’adaptation du test de non discrimination devant les tribunaux. Dans la décision de première instance, la juge Rivet proposait en effet de réaménager les fardeaux de preuve des parties afin de « donner un sens à la norme générale visant à favoriser l’intégration en classe ordinaire »62. Elle insistait également de façon importante sur la place de l’intérêt de l’enfant dans l’évaluation individualisée des capacités et des besoins de l’enfant, tout comme dans la détermination des mesures d’adaptation susceptibles de favoriser l’intégration en renversant notamment le fardeau de preuve63.

Plutôt que d’amorcer une réflexion en profondeur sur l’obligation d’accommodement raisonnable et les obligations internationales du Canada, la Cour d’appel s’est contentée d’infirmer le jugement de première instance en appliquant le test traditionnel élaboré par le courant jurisprudentiel des premières décisions ayant traité de l’obligation d’accommodement raisonnable en milieu scolaire64.

La Cour d’appel du Québec aura toutefois peut-être à nouveau l’occasion de se pencher sur les questions entourant les accommodements raisonnables en milieu de scolaire puisqu’une demande de permission d’appeler a été accueillie par la Cour d’appel en septembre dernier dans l’affaire Commission scolaire de Montréal65. Il apparaît pertinent de s’attarder plus longuement aux faits et aux conclusions du TDP dans ce nouveau dossier.

Dans cette affaire, la Commission des droits de la personne soutenait que la Commission scolaire de Montréal « n’a[vait] pas respecté son obligation d’adapter ses services éducatifs aux besoins de […] Thierry Sicuro, […] un jeune homme […] affecté d’une trisomie 21 et présentant une déficience intellectuelle moyenne ». De son côté, la Commission scolaire de Montréal soutenait en défense « qu’elle a fait tout ce qui lui était possible pour accueillir et accompagner Thierry Sicuro dans son parcours scolaire par la sensibilisation de son personnel enseignant et l’ajout d’un personnel spécialisé »67.

À son arrivée au secondaire à l’âge de 14 ans, Thierry est au niveau d’un élève de première année du primaire, mais est néanmoins inscrit dans une classe ordinaire de secondaire 168. Après quelques problèmes administratifs ayant retardé son entrée en classe69, la mère de Thierry est convoquée à une rencontre portant sur le plan d’intervention adapté pour Thierry. Lorsque celle-ci souligne qu’elle juge insuffisants les services de soutien offerts à son fils, l’institution scolaire lui signale qu’une école spécialisée serait plus apte à répondre aux besoins de Thierry. L’école se positionne en indiquant qu’« il ne revient pas aux enseignants d’adapter leurs cours ou à la préposée [d’] accompagner [Thierry] dans ses apprentissages académiques »70. Lorsque certaines mesures d’accommodements sont suggérées par la préposée, l’école les refuse puisque « Thierry doit faire comme tout le monde »71.

Interprétant la Charte québécoise et la Loi sur l’instruction publique, le tribunal dégage notamment les principes suivants :

  1. une commission scolaire ne peut rester neutre à l’égard d’un élève handicapé ou qui présente des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage, elle a un devoir légal de prendre certaines mesures à son égard;
  2. ces mesures sont déterminées en fonction d’une évaluation individuelle de l’élève handicapé […] une évaluation non pas statique, mais évolutive et en continuelle adaptation;
  3. ces mesures doivent aussi faire l’objet d’une intervention concertée, établie au moyen d’un plan d’intervention adapté à l’élève handicapé ou qui présente des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage72

Pour la deuxième fois dans sa jurisprudence73, le tribunal réfère également à l’article 24 de la CRDPH afin d’interpréter et de mettre en œuvre les droits garantis par la Charte74. Le tribunal insiste plus particulièrement sur le paragraphe 2 qui commande aux États de veiller à ce qu’« il soit procédé à des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun [et] que les personnes handicapées bénéficient, au sein du système d’enseignement général, de l’accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective »75. La juge reconnaît au surplus que le facteur principal déterminé par la jurisprudence est l’intérêt de l’élève76.

Suite à son analyse inspirée de l’arrêt Eaton et des enseignements récents de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Commission scolaire des Phares (2012), le tribunal conclut que « pour être effective, l’intégration exige plus que la simple présence de l’élève dans la même classe que celle fréquentée par ses pairs ». Le tribunal ajoute au surplus qu’à partir du moment où la commission scolaire décide de placer un élève dans une classe régulière, cela entraîne certaines conséquences, dont « l’obligation de lui fournir les mesures d’adaptation requises pour son handicap »77.

Comme la Commission scolaire de Montréal a décidé d’intégrer Thierry en classe régulière, le tribunal souligne qu’« elle ne pouvait se contenter de remplir seulement la moitié de ses obligations, soit de favoriser son développement social. Elle devait également prendre les moyens de favoriser son apprentissage au plan académique ». Par conséquent, le tribunal conclut à cet égard que la Commission scolaire de Montréal n’a pas pris les moyens nécessaires pour y arriver78.

Bien que cette conclusion reconnaisse l’importance de l’efficacité des mesures d’accommodements raisonnables mises en place afin d’éviter une fausse intégration, on peut néanmoins se demander si ce raisonnement, combiné à une démonstration d’absence de moyens, pourrait trop rapidement être invoqué par les commissions scolaires pour éviter les placements en classe ordinaire.

Tel que susmentionné, il serait souhaitable que la Cour d’appel saisisse cette opportunité afin de contribuer à l’établissement d’un test clair et particulier à l’éducation des enfants en situation de handicap79. Elle devrait au surplus examiner les dispositions de la CRDPH qui touchent l’éducation et sur lesquelles des experts internationaux se sont entendus. Le texte de la Convention mentionne notamment que les États doivent veiller à ce qu’il soit procédé à des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun. Ils doivent également s’assurer que les personnes handicapées bénéficient, au sein du système d’enseignement général, de l’accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective. Finalement, des mesures d’accompagnement individualisé efficaces doivent être prises dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la socialisation, conformément à l’objectif de pleine intégration80.

Alors qu’il est possible en matière d’accommodement religieux d’obtenir gain de cause sans faire une preuve de discrimination en prouvant la croyance sincère81, il serait souhaitable que les demandes d’accommodement du handicap bénéficie d’une alternative juridique et que, tel que le propose Mona Paré, « les accommodements raisonnables soient reconnus comme une condition essentielle de l’égalité et non comme une réponse à une situation de discrimination  […] »82.

Conclusion

Les principes de non discriminations découlant des chartes ont pour objet d’empêcher qu’il y ait atteinte à la dignité par l’imposition de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés sociaux. Malheureusement, en plus d’être victime de discrimination dans leur milieu scolaire, plusieurs élèves en situation de handicap ont difficulté à obtenir gain de cause même lorsqu’ils s’adressent aux tribunaux. Lorsqu’ils y parviennent, les délais inhérents au processus judiciaire rendent illusoire cette victoire en justice83. Au surplus, un retard accumulé au cours des premières années de fréquentations scolaires aura souvent une influence négative sur tout le parcours académique de l’élève, sur son développement social et sur ses futures possibilités d’intégration.

Pour améliorer le droit à l’éducation des enfants handicapés et la mise en œuvre du concept d’accommodement raisonnable, il faut non seulement permettre l’accès à l’éducation pour tous, mais également garantir une éducation de qualité pour les enfants handicapés afin qu’ils puissent développer leur plein potentiel84. Pour ce faire, des réflexions éthiques, conceptuelles et pratiques doivent guider les différents acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l’obligation d’accommodements raisonnables en milieu scolaire. Il semble à l’heure actuelle que même si « […] l’idée d’un traitement différentiel rendu nécessaire par les exigences de l’égalité […] » est admise, les gouvernements et les institutions scolaires ne soient pas prêts à «  […] tirer les conséquences concrètes » découlant de ce raisonnement85. À tout instant, la dignité humaine et l’intérêt supérieur de l’enfant devraient guider l’analyse des tribunaux afin que les enfants en situation de handicap puissent devenir des acteurs positifs dans la société une fois à l’âge adulte86. On espère que lorsque la Cour d’appel aura à évaluer l’affaire Commission scolaire des Montréal, les juges seront prêts à entamer une réflexion sérieuse sur le contexte scolaire et les ajustements nécessaires à l’analyse pour une réelle égalité pour les élèves en situation de handicap.

Le présent article insiste notamment sur la nécessité de vérifier l’efficacité des mesures mises en place par les institutions scolaires. Pour ce faire, les tribunaux devraient davantage trancher les preuves d’expert qui leur sont présentées pour identifier les mesures qui correspondent le mieux aux besoins de l’enfant et ainsi tenter de trouver des solutions satisfaisantes pour les familles à défaut de se contenter de maintenir les mesures en vigueur qu’elles jugent inadéquates. Il apparait également nécessaire de clarifier ce qui peut constituer une contrainte excessive pour limiter l’incertitude vécue par les familles lors d’une demande en justice. Finalement, une analyse plus souple et plus adaptée à la réalité des milieux scolaires devrait être mise de l’avant, compte tenu notamment de l’âge, de la vulnérabilité des principaux plaignants et de l’urgence à trouver une solution concrète afin de faciliter un réel accès à l’éducation. Comme on le constate à l’étude des décisions où il est question d’accommodements religieux, les élèves qui souhaitent obtenir une mesure d’accommodement n’ont pas l’obligation de prouver l’existence d’une discrimination pour obtenir gain de cause. Même si les coûts associés aux demandes d’accommodements religieux et les mesures qui doivent être mises en place pour satisfaire les requérants sont souvent moins importantes, il nous semble que sur le principe, les élèves en situation de handicap devraient pouvoir bénéficier d’une opportunité similaire de faire valoir leur droit à l’égalité et à l’éducation87.

Références

  1. Commission ontarienne des droits de la personne (O’Malley) c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 au para 22 [O’Malley].

  2. Pierre Bosset, « Les fondements juridiques et l’évolution de l’obligation d’accommodement raisonnable » dans Myriam Jézéquel, dir, Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu’où? Des outils pour tous, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007 à la p 5 [Bosset].

  3. Sandra Fredman, Discrimination Law, 2e éd, Oxford, Oxford University Press, 2011 à la p 1 [Fredman].

  4. Laura Barnett, Julia Nicol et Julian Walker, L’obligation d’adaptation dans le contexte des droits de la personne au Canada, publication n°2012-01-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 2012 à la p 1, en ligne : <http://www.parl.gc.ca/Content/LOP/ResearchPublications/2012-01-f.pdf> [Barnett et al.].

  5. Bosset supra note 2 à la p 5.

  6. Au Canada, il fallu attendre le milieu des années quatre-vingt pour que la Cour suprême se positionne sur une première demande d’accommodement raisonnable (Voir O’Malley supra note 1). Il est d’ailleurs intéressant de noter que le concept juridique d’accommodement raisonnable a été d’abord reconnu pour résoudre des inégalités découlant de croyances religieuses en milieu de travail. Comme les Chartes des droits des personnes n’incluent pas explicitement le droit ou l’obligation d’accommodement raisonnable, le plus haut tribunal du pays a dû s’interroger sur l’existence et le fondement du concept pour conclure qu’« une conséquence naturelle de la reconnaissance d’un droit doit être l’acceptation sociale de l’obligation générale de le respecter et de prendre des mesures raisonnables afin de le protéger» (para 22). Ainsi, « l’obligation d’accommodement raisonnable peut être considérée comme étant inhérente au droit à l’égalité ». Ce raisonnement appliqué en regard des situations de discrimination religieuse a eu pour effet d’élargir la portée du concept (Voir Bosset supra note 2 p 6).

  7. Mona Paré, « Le langage des accommodements raisonnables : quelles perspectives pour l’égalité des enfants handicapés en milieu scolaire? » (2012) 46 Revue juridique Thémis 485 à la p 521 [Paré, « langage »].

  8. Québec, La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse lance une enquête systémique sur l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, 10 septembre 2014, en ligne : <http://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?aiguillage=ajd&type=1&idArticle=2209103002>.

  9. Commission scolaire St-Jean sur Richelieu c. Commission des droits de la personne, [1994] R.J.Q. 1227 (C.A.) [Commission scolaire St-Jean sur Richelieu].

  10. Voir notamment Daniel Ducharme et Karina Montminy, L’accommodement des étudiants et étudiantes en situation de handicap dans les établissements d’enseignement collégial, Commission des droits de la personne, 23 mars 2012, en ligne : <http://www.cdpdj.qc.ca/publications/accommodement_handicap_collegial.pdf>.

  11. Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, [2006] 1 R.C.S. 256 aux para 39, 50, 131 [Multani]; On retrouve également le terme « solution » dans la décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Commission scolaire de Montréal, 2014 QCTDP 5 au para 60 [Commission scolaire de Montréal]. C’est toutefois pour mentionner que la Commission scolaire est d’avis que l’école spécialisée demeure la meilleure solution, mais qu’aucune autre solution n’a été étudiée par celle-ci.

  12. S.L. c. Commission scolaire des Chênes, [2012] 1 RCS 235 au para 82 [Commission scolaire des Chênes]; Voir aussi A.N. v. Hamilton-Wentworth District SchoolBoard, 2013 HRTO 67 au para 136; Schafer v. Toronto District School Board, 2010 HRTO 403 au para 16; Central Okanagan School Districk. no. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970 [Central Okanagan School Districk]; Barnett et al. supra note 4 à la p 5.

  13. Paré, « langage » supra note 7 à la p 515.

  14. Mona Paré, Refining the Test for Discrimination in the Context of Special Education : Moore v British Columbia, 10 J.L & Equality 71 2013 à la p 6 [Paré, Refining the Test]; Paré, « langage » supra note 7 à la p 513 précise également qu’il est souvent facile de trouver des experts qui viendront confirmer les prétentions des institutions scolaires.

  15. Elizabeth Dickson, « Reasonable adjustment and the assessment of students with disabilities: Australian legal issues and treds » dans Stephanie Hodgson, dir, Proceedings of Australia and New Zealand Education Law Association 20th Annual Conference, Darwin, Australia and New Zealand Education Law Association, 2011 à la p 10, en ligne: <http://eprints.qut.edu.au/46862/2/46862.pdf>.

  16. Ibid à la p 8.

  17. Commission scolaire des Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, [2006] R.J.Q. 378 (C.A.) au para 49 [Commission scolaire des Phares (2006)].

  18. Paré, « langage » supra note 7 aux pp 509-510. L’auteur fait aussi remarquer qu’« au Québec l’intérêt de l’enfant n’est pas posé en principe dans la Loi sur l’instruction publique, alors qu’en Ontario il ne figure même pas dans la législation sur l’éducation » ; Rappelons que le concept d’intérêt supérieur de l’enfant est l’un des concepts les plus importants de la Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, 1577 R.T.N.U. 3 (entrée en vigueur 2 septembre 1990). Il est également intégré dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées, 13 décembre 2006, 2515 R.T.N.U. 3 (entrée en vigueur 3 mai 2008) [CRDPH] aux articles 7 et 23.

  19. Commission scolaire des Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012 QCCA 988 aux para 48 et s. [Commission scolaire des Phares (2012)]. La position de la Cour d’appel va d’ailleurs dans le même sens que celle de la Cour suprême dans l’arrêt Eaton c. Conseil scolaire du Comté de Brand, [1997] 1 R.C.S. 241 au para 79.

  20. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Commission scolaire des Phares, 2009 QCTDP 19 (CanLII) [Commission scolaire des Phares (2009), TDP].

  21. CRDPH supra note 18 art 24 ; Doc. Off. AGNU, 66e sess, Doc NU A/66/230, Rapport du Secrétaire général sur l’État de la Convention relative aux droits de l’enfant, (2011) à la p 9 [Rapport A/66/230], en ligne : http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N11/442/46/PDF/N1144246.pdf?OpenElement; Doc NU A/HRC/4/29, Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation Vernor Muños sur le droit à l’éducation des personnes handicapées (2007) [Vernor Munos A/HRC/4/29] ; Daniel Ducharme avec la collab. De la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, L’inclusion en classe ordinaire des élèves présentant une déficience intellectuelle : Proposition d’un cadre organisationnel (2007), cat. 2.120-12.50 à la p 67 et s, en ligne : <http://www.cdpdj.qc.ca/publications/inclusion_scolaire_cadre_organisationnel.pdf> [Ducharme]. Voir aussi Nations Unies, Récapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme (2004) à la p 35, en ligne : <http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=HRI%2FGEN%2F1%2FRev.7&Lang=en>.

  22. Johnson c. Commission scolaire Lester B. Person, [2000] RJQ 1961 (C.A.).

  23. Ibid aux para 53-54.

  24. Voir aussi Desgagné c. Québec (Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport), 2010 QCCS 4838 et Mona Paré, « langage » supra note 7 à la p 512. À cet égard, il est possible de soutenir que la recherche d’une mesure d’accommodement religieux est facilitée par le choix qui s’offre au demandeur de procéder en vertu de la garantie de liberté de religion. Comme le faisait au surplus remarquer la professeure Mona Paré, le fait d’instituer le recours en vertu de l’article 2 de la Charte canadienne ou 3 de la Charte québécoise permet de contourner l’obligation de prouver la discrimination, ce qui peut faciliter la preuve. Les requérants n’ont alors qu’à prouver de façon subjective la sincérité de leur croyance et de façon objective l’atteinte à celle-ci. À cet effet, voir Commission scolaire des Chênes supra note 12 et Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 RCS 551 [Amselem].

  25. Mona Paré, « langage » supra note 7 aux pp 514-515.

  26. Mona Paré soulève d’ailleurs un élément intéressant quant au déplacement de l’évaluation du caractère raisonnable dans l’analyse des tribunaux. Voir à cet effet, Paré, « langage » supra note 7 à la p 515.

  27. Barnett et al supra note 4 à la p 5.

  28. Commission scolaire de Montréal supra note 11 au para 181.

  29. Commission scolaire des Phares (2006) supra note 17 au para 56.

  30. Commission scolaire de Montréal supra note 11 au para 182.

  31. Ibid au para 182.

  32. Ibid aux para 182-183.

  33. Central Okanagan School Districk supra note 12 telle que citée dans Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu supra note 9.

  34. Ibid; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Évaluation de la contrainte excessive, en ligne : <http://www.cdpdj.qc.ca/fr/formation/accommodement/Pages/html/contrainte-excessive.html>.

  35. Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du sport du Québec, Une école québécoise inclusive : dialogue, valeurs et repères communs, 15 novembre 2007 à la p 22, en ligne : <http://www.mels.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/dpse/formation_jeunes/RapportAccRaisonnable.pdf>.

  36. Ibid à la p 23.

  37. La juge McLachlin était dissidente dans cette affaire. Les autres juges n’ont pas eu a évaluer cet argument puisqu’ils ont considéré qu’il n’y avait pas de discrimination. Adler c. Ontario, [1996] 3 RCS 609 au para 219.

  38. Multani supra note 11 au para 76. Dans sa requête, M. Multani demande à la cour d’autoriser son fils à porter son kirpan à l’école s’il est scellé et cousu à l’intérieur de ses vêtements, malgré la prohibition du port d’armes et d’objets dangereux imposée par l’école. Cette demande d’accommodement est faite tant sur la base de la liberté de croyance que sur celle du droit à la non-discrimination; Voir aussi José Woehrling, La place de la religion à l’école publique (automne 2002), Étude préparée pour le compte du Comité sur les affaires religieuses, Ministère de l’Éducation du Québec à la p 699, en ligne : <http://www.mels.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/aff_religieuses/LaPlaceDeLaReligionEcole_JoseWoehrling.pdf> [Woehrling, La place de la religion à l’école].

  39. Paré, « langage » supra note 7 à la p 516.

  40. Whoerling, La place de la religion à l’école supra note 38 à la p 673; Voir aussi Mona Paré, « langage » supra note 7 à la p 516.

  41. Gérard Bouchard et Charles Taylor, Fonder l’avenir, le temps de la conciliation, Gouvernement du Québec, 2008.

  42. Vernor Munos supra note 21 à la p 12.

  43. Moore v British Columbia (Ministry of Education), [2012] 3 RCS aux para 51-54 [Moore]; Paré, « Refining the Test » supra note 14 au para 17.

  44. Commission scolaire St-Jean sur Richelieu supra note 9. À noter que dans la décision de première instance, le TDP mentionnait également que « le refus de financement rend la politique d’intégration visée à toutes fins pratiques illusoire et qu[’elle] produit un effet de réel d’exclusion à l’égard des enfants handicapés qui ont besoin de ce moyen pour pallier leur handicap […] ».

  45. Voir aussi Paré, « langage » supra note 7 à la p 519.

  46. Ibid à la p 520.

  47. Doc off CDH, 25e sess, Doc NU A/HRC/25/29, Étude thématique sur le droit des personnes handicapées à l’éducation, Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (2013) au para 44, en ligne : <http://www.ohchr.org/EN/Issues/Disability/Pages/ThematicStudies.aspx>.

  48. Doc off CDESC, 40e sess, Doc Nu E/2008/22, Rapport sur les trente-huitième et trente-neuviève sessions (2008) à la p 130, en ligne : <http://tb.ohchr.org/default.aspx?ConvType=18&docType=36> (Voir plus particulièrement ANNEXE VIII Appréciation de l’obligation d’agir « au maximum de ses ressources disponibles » dans le contexte d’un protocole facultatif du Pacte).

  49. Ibid à la p 130.

  50. Doc NU CRPD/CSP/2012/SR.3, Conférence des États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2013) à la p 6.

  51. Pour la définition de discrimination systémique confirmée par la Cour d’appel, voir Commission scolaire des Phares (2012) supra note 19 au para 177; Patrick Lagacé, « L’école Irénée-Lussier, la Question à 57 millions », La Presse (13 mai 2014), en ligne : <http://plus.lapresse.ca/screens/4b6d-1cd0-5370ea69-a511-6d0aac1c606d%7C_0.html>.

  52. Moore supra note 43.

  53. Paré, « Refining the Test » supra note 14 à la p 74.

  54. Moore supra note 43 au para 64, notamment en traitant la requête comme un cas de discrimination individuel et non systémique. La Cour affirme ne pas être une commission d’enquête et ne pas avoir à vérifier le financement provincial dans le cadre de cette plainte.

  55. Paré, « Refining the Test » supra note 14 aux pp 81 et s.

  56. Moore supra note 43 aux para 29 et s.

  57. Commission scolaire des Phares (2012) supra note 19 au para 50.

  58. Commission scolaire des Phares (2009), TDP supra note 20.

  59. Commission scolaire des Phares (2012) supra note 19 aux para 31,51.

  60. Ibid au para 52.

  61. Ibid au para 39 citant Commission scolaire Chauveau c. Commission des droits de la personne, [1994] R.J.Q. 1196 (C.A.) la p 1207.

  62. Commission scolaire des Phares, 2009 TDP supra note 20 aux para 322, 330 et s. La juge référait ici aux arts 234,235 de la Loi sur l’instruction publique.

  63. Ibid aux para 322 et s.

  64. La Cour d’appel pose d’ailleurs un commentaire étonnant, en manifestant son « profond désaccord » avec une proposition qu’elle qualifie elle-même d’«ingénieuse » quelques lignes plus haut. Commission scolaire des Phares (2012) supra note 19 aux para 49 et 50. 

  65. Commission scolaire de Montréal supra note 11.

  66. Ibid aux para 5, 8.

  67. Ibid au para 10.

  68. Ibid au para 22.

  69. Ibid au para 23.

  70. Ibid aux para 24-26.

  71. Ibid au para 32.

  72. Ibid au para 151.

  73. Voir aussi Commission scolaire des Phares (2009), TDP supra note 20 au para 284.

  74. Commission scolaire de Montréal supra note 11 aux para 152-153.

  75. CRDPH supra note 18 à l’art 24(2) c)d) cité dans Commission scolaire de Montréal supra note 11 au para 153.

  76. Commission scolaire de Montréal supra note 11 au para 195.

  77. Ibid aux para 172-173.

  78. Ibid au para 179.

  79. Paré, « langage » supra note 7 à la p 522.

  80. CRDPH supra note 18 à l’art 24.

  81. Multani supra note 11 aux para 34-35; Amselem supra note 24 aux para 52-53; Woehrling, la place de la religion dans les écoles publiques supra note 38 à la p 656.

  82. Paré, « langage » supra note 7 à la p 521.

  83. Commission scolaire de Montréal supra note 11 au para 206.

  84. Charles J. Russo, « Analysis and Reflections » dans Charles J. Russo, dir, The legal Rights of Students with Disabilities: International Perspectives, New York, Rowman & Littlefield Publishers, 2011 à la p 239.

  85. Bosset supra note 2 à la p 5.

  86. Fredman supra note 3 à la p 17.

  87. Paré, « langage » supra note 7 aux pp 521-522.