Le handicap comme concept colonial : le discours manquant de la culture dans les conceptualisations des enfants autochtones handicapé·es

Nicole Ineese-Nash, M. A.

Doctorante, OISE

Université de Toronto

Associée de recherche, Schools of Early Childhood and Child and Youth Care Université Ryerson

nicole [dot] ineesenash [at] ryerson [dot] ca

Résumé

Cet article explore le concept de handicap à travers la lentille des études critiques du handicap dans le but de comprendre le positionnement des ontologies autochtones dans le discours dominant des personnes handicapées au Canada. Il s’appuie sur les connaissances inhérentes des communautés autochtones (principalement anishinaabek) grâce à une intégration des connaissances émanant des récits et des relations avec les ainés autochtones, les gardiens du savoir et les membres de la communauté. Jumelées à la littérature universitaire, les perspectives autochtones illustrent les points de vue dichotomiques qui positionnent les autochtones, le plus souvent des enfants, comme étant des « personnes handicapées » au sein des établissements non autochtones, sans égard à leur désignation individuelle. Une telle catégorisation suggère que l’étiquette du handicap est une construction coloniale qui entre en conflit avec les perspectives autochtones d’appartenance à la communauté et perpétue les pratiques d’assimilation qui, à leur tour, entretiennent les préjudices coloniaux.

Mots-clés : Handicap autochtone, études critiques du handicap, intersectionnalité, culture autochtone, vision du monde anishinaabe, bienêtre autochtone



Déclaration de l’auteur

Nanaboozhoo. Songe Winnishe Wabigwanikwe Nindizhinikaaz, Mamamattawa minwaa Tkaronto nindojiba, mukwa nindodem. Anishinaabekwe indow. Mon nom anglais est Nicole Ineese-Nash, mais le créateur me connait sous le nom de Strong Beautiful Flower Woman. Je suis Anishinaabe (Oji-Cree), descendante de la lignée qui vient d’où les trois rivières se rencontrent, connue sous le nom de Mamawmatawa, située juste au nord de la communauté d’origine de ma famille de la Première Nation de Constance Lake sur le territoire du Traité 9 (nord de l’Ontario, Canada). J’ai aussi une ascendance européenne, que je connais moins. J’écris cet article en tant que survivante de deuxième génération des pensionnats autochtones, en tant que chercheure et en tant que membre de la communauté. J’écris cet article pour honorer les enseignements traditionnels qui m’ont été transmis lors de cérémonies et d’entretiens avec des ainés et des membres de la communauté qui m’ont partagé leurs récits. Je partage ces enseignements en tant que personne qui pénètre dans le domaine de la connaissance de ma culture, et non en tant qu’experte au sujet d’expériences que je n’ai pas vécues. Je partage ce que j’en suis venue à savoir, en tant que femme anishinaabe sans handicap, cisgenre qui passe pour Blanche, dans l’espoir de pouvoir plaider en faveur de la perturbation des normes coloniales qui nuisent à ma famille et à mes relations à l’ile de la Tortue. Mais je ne peux parler que pour moi-même et je ne souhaite en aucun cas parler au nom de tous les Anishinaabek, des Premières Nations ou des peuples autochtones. Je parle de ce que je sais, pour que les autres puissent faire de cette connaissance ce qu’ils peuvent. Je fais cela parce qu’on m’a dit que c’est le chemin que je suis et que je dois l’honorer tous les jours.

Introduction

[Le cadeau] était destiné à tout le monde. Et c’est ainsi que sont tous les dons humains. – Basil Johnston (2010, traduction libre)

Les autochtones[1] handicapé·es sont souvent considéré·es comme « doublement désavantagé·es », car leur capacité à participer à la société est considérablement marginalisée à la fois en raison du handicap et de la discrimination raciale (Durst et coll., 2006). Ces personnes font face à des obstacles pour accéder aux services de soutien en raison de l’emplacement géographique (Roberts, O’Sullivan et Howard, 2005), des problèmes de financement (Blackstock, 2012) et du racisme systémique (Browne et coll., 2012), en plus d’avoir de nombreux problèmes sociaux pouvant nuire à leur état de santé (Czyzewski, 2011). Les modèles de déterminants sociaux de la santé considèrent souvent les populations autochtones comme étant plus à risque que les populations non autochtones de problèmes de santé ou de maladies chroniques, de blessures, de suicides et de décès (Czyzewski, 2011). Au Canada, les personnes autochtones sont deux fois plus nombreuses à avoir un handicap que la moyenne nationale (Durst et coll., 2006). Les perspectives dominantes de la recherche en santé assimilent la discrimination raciale au handicap sociétal, perpétuant un discours sur « l’appartenance autochtone comme handicap » dans lequel les peuples autochtones sont handicapés indépendamment de leurs capacités individuelles. Pour les autochtones handicapé·es, cette logique peut dichotomiser l’expérience vécue et entraver le développement de l’identité et de l’appartenance à la communauté (Ineese-Nash, Bomberry, Underwood et Hache, 2018). Cet article soutient que l’étiquette du handicap est un concept qui existe comme mécanisme du colonialisme et qui ne correspond pas aux perspectives autochtones de la différence. Il s’articule autour de trois postulats principaux : (1) le handicap existe dans le contexte du colonialisme à travers des structures explicites d’oppression; (2) les interventions ne reconnaissent pas la diversité culturelle et favorisent en fait l’assimilation par la réhabilitation; et (3) les enfants autochtones handicapé·es méritent un système dont ils et elles peuvent bénéficier entièrement, et qui prend en compte leur tissu relationnel.

De nombreux enseignements anishinaabek reposent sur un concept connu sous le nom de Mino Bimaadiziwin, ou « la bonne voie ». Mino Bimaadiziwin est une quête permanente de se rendre honneur à soi-même, mais également rendre honneur à ses relations et à toute la création. Bien soutenir un·e enfant signifie l’aider à connaitre et à emprunter son droit chemin, en comprenant les enseignements de sa culture et en respectant toute forme de vie. La promotion du développement dans une perspective anishinaabe se fait d’une manière qui renforce l’estime de soi, l’identité positive et l’autodétermination. Les peuples autochtones du Canada sont régulièrement confrontés à des intrusions dans leurs façons d’être, ce qui mine la souveraineté autochtone (Coulthard, 2010). Les interventions destinées aux enfants autochtones, même lorsqu’elles sont ancrées dans la culture, peuvent souvent perpétuer des discours centrés sur l’étiquette de population « à risque », ce qui peut conduire les familles vers des services de soutien traditionnels modelés sur les idéaux eurocentriques de développement normatif (Miskimmin, 2008). D’un point de vue autochtone, intervenir dans le développement d’un·e enfant ne doit pas être nécessairement un objectif principal (Ball et Lewis, 2014). Au contraire, aider l’enfant à développer ses capacités par rapport à sa culture et à ses dons spirituels peut mieux concorder avec l’éducation traditionnelle des enfants (Gerlach, 2008).

« Traditionnellement, le handicap n’était pas perçu comme tel » - Melissa Tantaquidgeon Zobel (dans Sernier, 2013, p. 213, traduction libre)


Les communautés autochtones du monde entier ont des compréhensions et des interprétations différentes de l’expérience du handicap (Lovern & Locust, 2013). De nombreuses langues autochtones de l’ile de la Tortue (Amérique du Nord) n’ont pas de mot décrivant le concept de handicap. La nature de ces langues, en grande partie basées sur les verbes et le contexte, pourrait en être la cause (Gross, 2016). Traditionnellement, dans la culture anishinaabe, chaque personne reçoit son nom lors d’une cérémonie. Ce nom reflète les dons qu’elle porte ou les responsabilités qu’elle détient au sein de la communauté (Willmott, 2016). Ce nom reflète aussi souvent les capacités de chacun par rapport au domaine spirituel (Wyatt, 2009). De cette manière, les enfants apprennent dès leur plus jeune âge leur rôle au sein de la communauté qui est décrit par ce qu’ils et elles peuvent faire, par leur don unique ou par les enseignements qu’ils et elles apportent au collectif (Johnston, 2018). En décrivant un·e enfant, l’accent n’est pas souvent mis sur ce qui lui manque ou sur ce qu’il ou elle ne peut pas faire, car chaque enfant est un cadeau à la communauté (Greenwood, 2006). Certaines communautés autochtones ont adapté leurs structures linguistiques pour communiquer le concept de handicap (voir Opai, 2018), mais de nombreuses communautés estiment que le concept de handicap entre en conflit avec les visions du monde autochtones (Lovern, 2008).

D’une manière plus large, le handicap est compris comme un phénomène social vécu par des personnes ayant des incapacités et dont la pleine participation à la société est entravée (Oliver, 2017). L’Assemblée générale des Nations Unies considère que « la notion de handicap évolue et [...] résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales » (Assemblée générale des Nations Unies, 2007). De nombreux spécialistes du handicap sont d’accord avec ces modèles relationnels du handicap, qui voient le handicap comme une expérience sociale qui ne réside pas dans l’individu, mais plutôt dans la culture de notre société (Goodley, 2016; Oliver, 2017). Le handicap est donc accentué par d’autres formes de discrimination, telles que le racisme, le classisme et le sexisme (Annamma, Ferri et Connor, 2018; Goodley, 2017). Historiquement, le handicap peut avoir été une caractéristique bienvenue pour certaines communautés autochtones (Lovern, 2008). Cependant, dans le contexte du colonialisme de peuplement, le handicap devient l’un des nombreux facteurs qui affaiblissent l’avenir et l’autodétermination des Autochtones.

L’appartenance autochtone dans le contexte du colonialisme de peuplement

Les peuples autochtones représentent une population unique au Canada, avec une diversité d’identités intersectionnelles et d’expériences vécues (Greenwood, Leeuw et Fraser, 2007). Les populations autochtones sont culturellement et géographiquement diverses et vivent dans des environnements ruraux, éloignés et urbains à travers le pays (King, Smith et Gracey, 2009). Bien que les peuples autochtones représentent une assez petite portion de la population nationale (environ 4,9 % selon les données du recensement), ils sont surreprésentés dans presque toutes les institutions sociales, telles que la protection de l’enfance (Sullivan et Charles, 2012), les établissements correctionnels (LaPrairie, 2002), les refuges (Baskin, 2007) et les services d’éducation spécialisée (Gill, 2012). Cela ne veut pas dire que les peuples autochtones sont intrinsèquement prédisposés à avoir de la difficulté à vivre sans soutien, mais que l’histoire coloniale a créé un modèle de pathologisation des modes de vie autochtones, ce qui favorise la dépendance institutionnelle.

Avant le contact avec les peuples européens, les communautés autochtones vivaient de la terre et en harmonie avec celle-ci, grâce à des relations qui valorisaient la réciprocité, la longévité et la pérennité (Simpson, 2008). Les peuples anishinaabek en particulier étaient connus pour leur fluidité géographique et leur capacité à s’adapter à leur environnement changeant, reflétant leurs valeurs d’honorer la terre et de permettre sa régénération (Sinclair, 2013). Au sein de ces sociétés collectives, la prospérité et la force de la communauté étaient de la plus haute importance pour la survie d’une nation (Simpson, 2013). On pense qu’en raison de la nature interconnectée de l’univers, ce qui arrive à un·e membre de la communauté affecte tout le monde par nature. Surmonter les défis en tant que communauté était considéré comme un moyen de préserver les connaissances culturelles pour les générations suivantes (Kirmayer, Dandeneau, Marshall, Phillips et Williamson, 2012). Ainsi, le développement de mécanismes permettant l’inclusion de l’ensemble des membres dans la plupart des aspects de la vie de la communauté était accueilli comme un moyen d’avoir une nation plus forte (Lovern & Locust, 2013).

Le contrôle colonial par des dispositions législatives et politiques a détruit bon nombre des modes de vie autochtones. La Loi sur les Indiens en particulier ne tenait pas compte des systèmes de gouvernance anishinaabek, qui étaient de nature clanique et matrilinéaire (Bohaker, 2010). Comme les colons croyaient que leurs modèles de gouvernance patriarcale étaient supérieurs aux structures soi-disant « primitives » des communautés autochtones, ces structures étaient systématiquement imposées aux peuples autochtones (Parisi et Corntassel, 2007). De plus, les têtes dirigeantes coloniales ont cherché à contrôler les populations autochtones, qui ont été dispersées dans les zones jugées utiles pour le peuplement (Leslie, 2002). Le système de réserve a donc été mis en place afin de règlementer la migration autochtone sous prétexte que des terres seraient allouées aux communautés autochtones pour qu’elles les utilisent comme elles le souhaitent (Henderson, 2018). Cependant, ces systèmes ont souvent déplacé les peuples autochtones de leurs terres ancestrales, les forçant à vivre sur un territoire inconnu aux côtés d’autres nations qui ne partageaient pas nécessairement leur culture (Blackstock et Trocmé, 2005). La relocalisation continue des peuples autochtones et les perturbations de leurs modes traditionnels d’organisation communautaire ont contribué à leur effacement des discours dominants de la société canadienne, perpétuant les pratiques génocidaires et assimilationnistes qui ont fondé cette nation (Alfred, 2009).

Évolution de l’intervention coloniale

Cherchant à contrôler davantage la population autochtone et à l’assimiler dans le nouvel État-nation du Canada, le gouvernement colonial a développé d’autres mécanismes pour intervenir dans la vie des peuples autochtones (Alfred, 2009). Les conditions de la signature des traités comprenaient la désignation des terres comme étant cédées à la Couronne en échange de biens et de services, ce qui incluait l’éducation obligatoire pour les enfants autochtones (Battiste et Barman, 1995). Les pensionnats et les externats autochtones ont été la principale stratégie d’intervention pour mettre un terme à la croissance de la culture et des nations autochtones d’une génération à l’autre (Bombay, Matheson et Anisman, 2014). Ces écoles présentaient l’appartenance autochtone comme une pathologie, semblable à une maladie et ostensiblement guérie en tuant toutes les traces de cette identité grâce à l’éducation industrielle eurocentrique (Churchill, 2004; Woolford & Gacek, 2016). Il est généralement admis que les pensionnats et les externats autochtones ont contribué au génocide culturel des peuples autochtones au Canada, et qui continue d’avoir un impact durable sur les peuples autochtones aujourd’hui (Churchill, 2004; Niezen, 2017; Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015).

L’éducation dans les pensionnats, bien qu’efficace, n’était pas suffisante pour rompre complètement les liens familiaux étroits que les enfants entretenaient dans leur communauté. À mesure que les enfants rentraient dans leur famille pour l’été et les congés, ils et elles « régressaient » vers les habitudes culturelles familiales, ce qui nuisait à l’objectif d’effacer l’identité autochtone (McKenzie, Varcoe, Browne et Day, 2016). D’autres interventions ont été nécessaires pour réaliser le projet colonial d’assimilation totale (Cannon, 2007). Après la Seconde Guerre mondiale, le système des pensionnats autochtones a commencé à décliner et a été remplacé par le retrait forcé d’enfants de leurs communautés pour les placer de façon permanente dans des ménages non autochtones grâce à une politique de protection de l’enfance (Sinclair, 2007). Cette tactique, maintenant connue sous le nom de la rafle des années 1960 (Johnston, 1983), reposait sur l’hypothèse que les communautés autochtones n’étaient pas sécuritaires pour les enfants et que les parents autochtones n’étaient pas en mesure de les élever (McKenzie et coll., 2016). Le système des pensionnats autochtones et la rafle des années 1960 ont été utilisés comme interventions pour pathologiser les communautés autochtones afin de maintenir les processus de possession de terres et d’affaiblir la nation autochtone (McKenzie et coll., 2016).

Les interventions d’assimilation dans l’éducation des enfants autochtones ne se sont pas terminées avec les pensionnats ou la rafle des années 1960 (McKenzie et coll., 2016). Au contraire, le retrait des enfants autochtones de leurs familles et communautés continue d’être approuvé par les politiques coloniales (Sinclair, 2016). Les enfants autochtones représentent actuellement plus de la moitié de tous les enfants placé·es en famille d’accueil au Canada, alors que ce groupe compte pour seulement 8 % de la population infantile (Haight, Waubanascum, Glesener et Marsalis, 2018). On estime que plus d’enfants sont pris en charge aujourd’hui qu’au plus fort du système des pensionnats autochtones (Fee, 2012). Il est évident que les interventions coloniales dans l’éducation des enfants autochtones se poursuivent, car elles sont un moyen de mettre fin à notre avenir culturel.

L’eugénisme et les sous-humains

L’institutionnalisation a été utilisée comme moyen de réhabilitation pour les enfants autochtones du Canada afin qu’ils deviennent des membres productifs de l’État-nation (McKenzie et coll., 2016). Les personnes jugées comme impossibles à assimiler, comme celles qui ont des différences au niveau de leur développement ou des incapacités, ont été institutionnalisées de la même manière (Strong-Boag, 2007). Du début des années 1990 jusqu’à aussi récemment qu’en 2009, les personnes ayant une déficience intellectuelle et une maladie mentale ont été considérées comme une menace pour la société civile et donc confinées aux institutions et aux asiles (Jongbloed, 2003; Lemay, 2009). De nombreux récits d’anciennes personnes résidentes et de membres du personnel illustrent les pratiques abusives et négligentes qui caractérisent l’institutionnalisation (Sobsey, 2006). Fondée sur des mouvements eugéniques, l’institutionnalisation des personnes handicapées a entravé la participation à la société en partant du principe que ces personnes étaient des sous-humains, et donc une menace pour la continuation de la race humaine (Reaume, 2012).

Pendant le développement du Canada en tant que colonie, la violence raciale infligée aux personnes handicapées autochtones, noires et avec une identité intersectionnelle reposait sur des idéologies eugéniques (Levine, 2010). Le colonialisme de peuplement a pour effet d’effacer les revendications territoriales et de souveraineté des peuples autochtones et, ce faisant, positionne le colonisateur comme l’héritier légitime bienveillant du territoire (Tuck et Yang, 2012). Ce processus hétéropatriarcal centré sur les Blancs vise à être invisible, sans origine et sans fin (Arvin, Tuck, & Morrill, 2013). L’eugénisme constitue le fondement idéologique du projet colonial, car l’assujettissement des peuples nécessite un cadre hiérarchique (Arvin, Tuck et Morrill, 2013). Dans le contexte de l’Amérique du Nord, l’eugénisme est une caractéristique de la triade Noir-Autochtone-colon, dans laquelle l’appartenance autochtone est remplacée par l’identité blanche en instrumentalisant le travail des corps noirs (Tuck et Yang, 2012). Les peuples autochtones sont considérés comme des sous-humains, dans la mesure où leurs corps ne valent pas la peine d’être asservis et ne sont valorisés que lorsqu’ils sont morts (Deloria, 1969).

L’eugénisme blanc est une intersection pour déterminer la vie des personnes autochtones handicapées. L’eugénisme est instrumentalisé pour justifier le génocide au nom de la réalisation d’une « race supérieure » (McLaren, 1990, p. 1) exempte des faiblesses génétiques qui affligent les non-Blancs et les non-élites (Strange et Stephen, 2010). Pour les peuples autochtones comme pour les personnes handicapées, les mouvements eugénistes ont tenté de mettre fin aux capacités de régénération par la stérilisation forcée (Grekul, Krahn et Odynak, 2004; Stote, 2012). Depuis le début des années 1900, les provinces canadiennes ont maintenu des politiques fondées sur l’eugénisme qui ciblaient les populations marginalisées, telles que les communautés autochtones, handicapées et noires, avec des procédures de stérilisation médicalement forcée pendant ou après l’accouchement, alors que la compréhension des conséquences à long terme était limitée ou inexistante (Stote, 2015). De nombreuses femmes ont été contraintes de signer un consentement pour ces procédures, sous la menace de leur enlever la garde de leurs enfants (Stote, 2015). Les deux groupes ont également été utilisés comme cobayes pour la science, exposés à la guerre biologique et à des expériences scientifiques contraires à l’éthique et sans leur consentement (Fenn, 2000; Lux, 1998; Grodin et Glantz, 1994). Ainsi, la science médicale occidentale a été à la fois une cause du handicap et des différences, et une réponse face à ceux-ci (Grodin et Glantz, 1994). La convergence de ces expériences n’est pas fortuite; elle est plutôt symptomatique des structures et des processus mis en œuvre pour subjuguer les sous-humains en faveur de l’avancement du patriarcat colonial blanc (Arvin, Tuck et Morrill, 2013). Telles sont les structures du colonialisme, dans lesquelles le handicap et la différence sont considérés comme des obstacles au progrès. Les idéologies eugéniques sont toujours actives au sein des systèmes de santé et d’éducation, entravant l’autonomie corporelle et l’autodétermination des personnes handicapées comme des personnes autochtones.

Systèmes d’intervention contemporains

Le système d’intervention au Canada positionne actuellement le handicap comme une condition médicale qui nécessite une intervention pour restaurer le fonctionnement normatif (Underwood, Frankel, Spalding et Brophy, 2018). La plupart des services d’intervention visent des aspects spécifiques du développement, qu’il s’agisse de domaines cognitifs, physiques ou émotionnels (Underwood, 2012). Ces systèmes évaluent et catégorisent les personnes le long de continuums diagnostiques afin de fournir un soutien relatif pour un aspect précis du fonctionnement. Le contexte dans lequel les personnes sont évaluées, pathologisées et réhabilitées se fait à travers un cadre de connaissances biomédical des présentations normatives des capacités (Underwood, 2012). Le handicap est un phénomène naturel qui existe dans toutes les cultures (Lovern & Locust, 2013), mais la variance culturelle est peu ou pas considérée dans ces systèmes tant pour la compréhension et que pour la présentation du handicap.

Les enfants autochtones sont particulièrement surreprésenté·es dans les programmes d’éducation spécialisée et de soutien aux personnes handicapées (Durst, 2006). Ces enfants sont principalement caractérisé·es comme ayant des troubles socioaffectifs et des troubles du langage (Wright, Hiebert-Murphy et Gosek, 2005). Même si les enfants autochtones ont accès à des programmes de soutien tôt dans la vie (Nguyen, 2011), la façon dont ils et elles sont évalué·es et pathologisé·es est problématique (LeFrancois, 2013). De nombreuses évaluations du développement ont été critiquées pour leurs préjugés culturels qui désavantagent de manière disproportionnée les populations autochtones et immigrantes (Ball, 2008; Fong, 2004). La prévalence du besoin en soutien comportemental et éducatif pour les enfants autochtones suggère que les environnements dans lesquels ces structures sont nécessaires ne sont pas conçus pour répondre aux besoins uniques de ces enfants (Greenwood, Leeuw et Fraser, 2007). Lorsque du soutien est offert, les familles travaillent souvent énormément pour maintenir les nombreuses relations avec les prestataires de services et pour coordonner les horaires de traitement (Ineese-Nash et coll., 2017). Bien que ces démarches soient onéreuses pour toute famille, l’interaction avec des institutions qui ont historiquement causé, et causent encore, des dommages aux communautés autochtones peut agir comme déclencheur ou même les déposséder de leur agentivité (Durst, 2001).

Beaucoup familles autochtones recherchent des interventions pour leurs enfants, mais sont confrontées à de nombreux obstacles pour recevoir des services (Durst, 2006; Ineese-Nash et al., 2017). Les longues listes d’attente, les processus de diagnostic difficiles et la disponibilité réduite de praticien·nes dans certaines régions entrainent un accès limité aux interventions pour plusieurs familles (Underwood et coll., 2018). Les familles autochtones dans les réserves peuvent faire face à des défis supplémentaires pour accéder aux programmes de soutien aux personnes handicapées en raison du sous-financement et de l’ambigüité de la responsabilité gouvernementale (Blackstock, 2016). Les familles d’enfants qui nécessitent des interventions régulières subissent souvent des pressions pour déménager dans des milieux urbains où les services sont plus disponibles, mais reçoivent peu de soutien pour le faire (Durst et coll., 2006). Les personnes autochtones handicapées vivant en milieu urbain sont également sujettes au racisme et à la discrimination liée au handicap tout en étant isolées de leurs communautés et de leurs cultures (Durst, Bluechardt, Morin et Rezansoff, 2001).

Perspectives autochtones de l’origine des humains

Il est essentiel de se centraliser sur les visions du monde autochtones pour soutenir l’autodétermination autochtone en matière de santé et de bienêtre (Corntassel, 2012). Des tentatives d’intégrer des pratiques de guérison autochtones ont été réalisées dans de nombreux services liés à la santé (Lavallee et Poole, 2010; Muise, 2018), mais cette centralisation n’a pas encore eu lieu pour les systèmes traditionnels de soutien aux personnes handicapées. Bien qu’il existe quelques exemples de services de soutien ciblés pour les enfants autochtones handicapé·es (voir Chapman, 2012), les systèmes d’intervention continuent d’être fondamentalement assimilistes et capacitistes (Cohen et Avanzino, 2010). Les enfants autochtones sont considérés comme des cadeaux pour les communautés, venant du monde des esprits pour apporter de la force à la communauté (Greenwood, 2006). Dans un contexte de colonialisme de peuplement et de génocide culturel, les enfants autochtones représentent également la résurgence et l’avenir de leurs communautés (Greenwood, 2005; Simpson, 2014).

Le cadeau des étoiles

Les peuples anishinaabek ont des croyances sacrées sur les origines de leur peuple et qui permettent de mettre en contexte la compréhension des capacités individuelles (Sugarhead, 2017). Le récit autochtone est une méthode traditionnelle sacrée de partage intergénérationnel des connaissances (Iseke, 2013). C’est à travers nos histoires que notre culture, nos connaissances et notre vision du monde continuent d’exister (Battiste, 2011). Ce qui suit est un extrait du travail de récit de Basil Johnston (2010) dans lequel il raconte l’histoire anishinaabe du cadeau des étoiles (Annangoog Meegiwaewinan), à propos de l’origine des enfants dans le monde physique. Il est retranscrit ici dans son intégralité pour honorer les connaissances intégrées dans l’histoire et permettre une interprétation holistique de son message.

Vent du sud avait cinq ans lorsque sa grand-mère l’amena dans le noir regarder les étoiles. Au début, c’était passionnant. Mais rapidement, regarder le ciel donna à Vent du sud un torticolis. De plus, il se lassa de regarder les étoiles. « Que sont les étoiles, grand-mère? » demanda-t-il. « Des bébés », répondit sa grand-mère. Vent du sud leva les yeux. Les étoiles ressemblaient à des étincelles. Mais ça devait être des bébés. N’était-ce pas ce que sa grand-mère avait dit? Beaucoup de bébés. Le ciel entier en était rempli. Une étoile tomba et Vent du sud s’exclama. « Oh! Grand-mère! Le bébé va se faire mal! » « Ne t’inquiète pas petit-fils. Le bébé ne sera pas blessé. Il tombera doucement comme une plume dans les bras de quelqu’un. Cette personne va recevoir un merveilleux cadeau ce soir. Cela la rendra heureuse », expliqua la grand-mère de Vent du sud. « Quel genre de cadeau? »

« Une femme va avoir un bébé qui la rendra heureuse », déclara la grand-mère de Vent du sud. Celui-ci leva les yeux au ciel. Sans dire un mot. Son esprit était trop petit, trop jeune pour comprendre comment les étoiles, les bébés et les cadeaux pouvaient être une seule et même chose. Pour aider Vent du sud à comprendre, sa grand-mère lui dit : « Avant, tu étais une petite étoile et tu es descendu sous la forme d’un bébé pour ta mère, pour ton père et pour nous tous. Tu nous as tous et toutes rendu·es très heureux·ses. Si jamais une étoile tombe près de toi, prends-la. Ramène-la à la maison! Prends soin d’elle. C’est un beau cadeau qui te rendra heureux. »

« Vais-je avoir un bébé, grand-mère? » demanda Vent du sud. « Non », dit la grand-mère de Vent du sud. « Seules les filles ont des bébés. Les garçons reçoivent d’autres types de cadeaux. Tu recevras un cadeau. » À ce moment-là, Vent du sud voulait qu’une étoile tombe près de lui pour pouvoir la prendre, la ramener à la maison et s’en occuper. Mais aucune étoile ne tomba jamais près de lui. Elles tombaient toujours au loin. Elles étaient toujours un cadeau pour quelqu’un d’autre, jamais pour lui. Pendant cinq ans, Vent du sud regarda les étoiles avec sa grand-mère. Puis, il arrêta d’y aller avec elle. Regarder les étoiles l’ennuyait. Trois autres années s’écoulèrent. Sa grand-mère tomba malade. Une nuit, Vent du sud se rendit à la butte où sa grand-mère avait l’habitude de regarder les étoiles. Avant que Vent du sud n’atteigne la crête de la petite colline, une étoile tomba. Elle tomba juste de l’autre côté de la colline, là où il y a un étang. Vent du sud courut vers le haut de la butte, puis de l’autre côté, jusqu’au bord de l’étang. Mais il ne vit rien dans l’étang, seulement des fleurs blanches qu’il n’avait jamais vues auparavant. Il n’y avait pas de cadeau. Il se retourna pour rentrer chez lui. « Prends-moi. Emmène-moi chez toi. Je suis un médicament. Je ferai du bien à ta grand-mère! » lui dit une voix. La petite voix venait du milieu de l’étang. Mais il n’y avait personne là-bas. Encore et encore, la voix appela : « Prends-moi! Emmène-moi à la maison avec toi. » Enfin, Vent du sud rentra dans l’eau et pataugea jusqu’au milieu de l’étang. Devant lui se trouvait la fleur blanche qui criait. « Prends-moi! Emmène-moi chez toi! Je suis un médicament. Je suis ton cadeau. » Vent du sud était sur le point d’arracher la fleur de sa tige quand elle cria : « Non! Prends-moi au complet! Prends-moi au complet! » Mais soulever la fleur de son lit n’était pas une chose facile. Pour ce faire, Vent du sud dut aller sous l’eau plusieurs fois pour déterrer la longue racine de son lit boueux. Quand la fleur fut finalement déterrée, Vent du sud la ramena à la maison. Avec la fleur, le père de Vent du sud fabriqua un médicament, qu’ils donnèrent à la vieille femme malade. Le médicament la guérit. Quelques mois plus tard, Vent du sud et sa grand-mère se rendirent à la butte pour étudier les étoiles. Il lui dit : « No'okomiss, la fleur que j’ai reçue en cadeau; elle était vraiment destinée à toi, n’est-ce pas? » « D’une certaine manière, oui. Mais elle était destinée à tout le monde. Et c’est ainsi que sont tous les dons humains. »

En considérant les enfants comme des cadeaux du monde céleste, les communautés autochtones les tiennent en très haute estime (Greenwood, 2006). Quand un·e enfant nait sur terre, c’est un cadeau pour toute la communauté. Si un·e enfant se présente avec un handicap, il est entendu que quelque chose doit être appris de cette expérience pour renforcer la communauté dans son ensemble.

Structure communautaire

Les communautés autochtones ont changé de structure et d’organisation en raison de l’influence coloniale (Alfred, 2009). Avant la régulation des peuples autochtones au Canada, les nations autochtones fonctionnaient au sein de structures diplomatiques complexes qui honoraient le caractère sacré de tous les êtres vivants (Simpson, 2008). L’ordre social était maintenu grâce à la reconnaissance que les dons de chacun sont une ressource pour la collectivité (Bell, 2013). Chaque personne occupait une position au sein de la communauté par rapport à sa lignée familiale, à son appartenance à un clan et à sa vocation spirituelle (Bohaker, 2010). En reconnaissant que chaque personne descend de Nanaboozhoo (ou Nanabush), l’être originel (une autre histoire de création qui ne sera pas racontée ici), on comprenait que tout le monde dans la communauté est parent, et donc il y avait une orientation vers l’inclusion (Simpson, 2013). Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de discrimination fondée sur le handicap dans les communautés autochtones traditionnelles, mais bien que les relations interpersonnelles et le respect étaient un point de départ pour la structure de ces nations (Simpson, 2008).

Du point de vue anishinaabe, l’enfance est considérée comme « la bonne vie » (Best Start Resource Centre, 2010, p. 9), caractérisée par l’apprentissage, l’écoute et les relations avec la famille et les ancêtres (Ball & Lewis, 2014). C’est un moment où les familles enveloppent l’enfant dans des pratiques culturelles à travers des récits, des chants et des cérémonies (Best Start Resource Centre, 2010). Les grands-parents jouent un rôle central dans l’éducation des enfants autochtones et, comme l’illustre l’histoire de Johnston (2010), ils et elles sont essentiel·es au développement des dons des enfants. Ces relations sont également réciproques. À mesure que les adultes accèdent à la vieillesse, leur but devient de transmettre leurs connaissances aux générations suivantes (Simpson, 2001). Les ainé·es autochtones sont nos enseignant·es, scientifiques, conteur·ses et guides culturel·les. Ces personnes âgées sont respectées dans nos communautés en tant qu’expertes détentrices de connaissances. La colonisation a également rompu les relations intergénérationnelles entre les ainé·es autochtones et les enfants, ce qui a entrainé une perte de la langue et de la culture avec le temps (King, Smith et Gracey, 2009).

Discussion

Les institutions sociales doivent reconsidérer les cadres dans lesquels elles opèrent, car ils pathologisent, isolent et assimilent les enfants autochtones. Les services de soutien aux personnes handicapées sont actuellement un patchwork de programmes médicaux, éducatifs et privatisés qui ont diverses croyances normatives sur le développement et les traitements (Underwood et coll., 2018). Les parents, les ainé·es, les guérisseur·ses traditionnel·les et les communautés ne sont pas considéré·es comme faisant partie de ce système. Réinventer les programmes de soutien aux personnes handicapées nécessite des changements radicaux dans les politiques, les pratiques et les idéologies. Il faut un changement de paradigme significatif pour déconstruire nos notions de capacité dans le contexte du colonialisme de peuplement. Cela nécessite une décolonisation complète de ces systèmes.

La décolonisation du handicap nécessite à la fois une conscience aigüe des processus coloniaux qui contribuent et causent le handicap (Hollinsworth, 2013), ainsi qu’une tentative délibérée de retirer ces structures de nos organisations sociales (Tuck et Yang, 2012). Ces conversations sur l’appartenance autochtone, le colonialisme et le handicap ne peuvent être séparées des discussions sur la possession de terres et le contrôle politique. L’accumulation d’obstacles à l’épanouissement des enfants autochtones, handicapé·es ou non, est une tactique délibérée pour maintenir la suprématie blanche et l’autorité coloniale au Canada (Blackstock, 2011). Les enfants autochtones sont les héritiers de nos terres, de nos systèmes de connaissances et de nos pratiques culturelles. Ces personnes continuent de défier les ordres impériaux sur un territoire volé.

Le soutien aux enfants autochtones handicapé·es nécessite une approche holistique qui favorise le développement dans tous les domaines de l’être et reconnait l’expertise et les valeurs culturelles des communautés autochtones. Les cercles de soins sont une approche de la prestation de services adoptée par de nombreuses organisations soutenant les peuples autochtones. Cette approche cherche à intégrer plusieurs services pour fournir un soutien approprié à chaque culture (Skye, 2013). Les enfants autochtones de Toronto, par exemple, peuvent avoir accès à des guérisseur·ses traditionnel·les et à de la psychothérapie au même endroit (Skye, 2013). Cependant, il est quand même possible que ces programmes adoptent des perspectives fondamentalement différentes. La formation d’un cercle de soins pour les enfants autochtones handicapé·es nécessite une approche plus coordonnée de la prestation de services. Soutenir le développement spirituel d’un·e enfant par le biais de relations avec les détenteur·rices de connaissances traditionnelles peut renforcer une identité positive chez l’enfant. Toutefois, des messages contradictoires peuvent persister si cette façon de comprendre le développement de l’enfant n’est pas transmise aux autres professionnel·les travaillant avec l’enfant. Il est également important de noter que l’accès à ces services peut être considéré comme à haut risque pour les familles qui se sont vu retirer un·e enfant, car dans de nombreux cas, les services en lien avec le handicap sont organisés en partenariat avec des organismes de protection de l’enfance qui continuent de placer les enfants autochtones à un taux alarmant (Blackstock, 2011).

Le 12e appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada demande « au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et territoriaux de même qu’aux gouvernements autochtones d’élaborer des programmes d’éducation de la petite enfance adaptés à la culture des familles autochtones. » (Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, p. 2) Bien que l’intervention rapide ne soit pas considérée comme faisant partie de l’éducation de la petite enfance, et vice-versa, il faut tenir compte de la culture en évaluant les environnements dans lesquels les enfants autochtones passent du temps. Si les enfants autochtones sont deux fois plus susceptibles d’être identifié·es comme ayant besoin d’un soutien supplémentaire pour participer à des programmes d’éducation et de soins réguliers, nous devrions examiner comment ces programmes pourraient être mieux conçus pour accueillir une variété d’apprenant·es. Plutôt que de proposer une approche universelle qui renforce l’assimilation, les interventions doivent adopter des pratiques sécuritaires sur le plan culturel et qui reconnaissent la diversité culturelle (Gill, 2012). Souvent, les enfants autochtones handicapé·es n’ont pas accès à des activités visant à favoriser leur développement qui sont adaptées à leur culture, ce qui entrave la préservation des connaissances autochtones (United Nations Inter-Agency Support Group, 2014). Il est donc nécessaire de reconfigurer les cercles de soins des services aux enfants autochtones pour tenir compte de leur identité intersectionnelle.

Conclusion

Le handicap existe en juxtaposition avec les mécanismes capitalistes de colonisation, qui cherchent à marchandiser les esprits et les corps au nom du progrès (Soldatic, 2015). D’un point de vue autochtone, le progrès n’a pas de valeur monétaire. Les peuples autochtones cherchent plutôt à vivre en harmonie avec la terre, l’eau, les animaux et les uns avec les autres. La détermination de qui est valide, valorisé·e et ignoré·e repose sur des perceptions sociétales fondées sur la culture (McDonald, Keys et Balcazar, 2007). Dans le cadre du projet colonial de peuplement du Canada, les peuples autochtones ont toujours fait obstacle au développement. Leur existence même remet en cause les revendications des colons relatives à la propriété (Tuck et Yang, 2012). Les corps, les esprits et les âmes des personnes handicapées défient également l’agenda, centré sur les Blancs, de l’eugénisme en neutralisant la manifestation de la race supérieure (Stubblefield, 2007). Même si, comme le raconte le récit, nous sommes tous des cadeaux parfaits de la création, tout dépend du positionnement social de chacun.

Endnotes

1. Dans cet article, j’utilise le terme « autochtone » pour désigner les nations qui habitaient l’ile de la Tortue avant le colonialisme européen. Bien que ce terme englobe les nations des Premières Nations, des Inuits et des Métis d’Amérique du Nord ainsi que les communautés précoloniales du monde entier, cet article est rédigé en mettant un accent particulier sur les perspectives anishinaabek et des Premières Nations.

References