33 actions pour que Montréal devienne anticapacitiste

33 actions for an anti-ableist Montréal

Laurence Parent, Ph. D.

Chercheure postdoctorale, FRQSC

Institut d’études féministes et de genre

Université d’Ottawa

Le droit à la ville est donc bien plus qu’un droit d’accès individuel ou collectif aux ressources qui émanent de la ville : c’est le droit de changer et réinventer la ville au gré de nos envies. […] La liberté de s’inventer et de se réinventer soi-même, et de faire de même pour nos villes, est selon moi l’un des droits de la personne les plus précieux et les plus négligés. Alors, comment pouvons-nous mieux exercer ce droit?

David Harvey (2012, p. 4, traduction libre)



Abstract

This article steams from my doctoral thesis entitled “Rouler/Wheeling Montréal: Moving through, Resisting and Belonging in an Ableist City” (Parent, 2018). My thesis examined fifteen disabled Montrealers’ everyday mobilities and two different dimensions of participants’ sense of belonging: their belonging in Montréal disability communities and their belonging in the city. Participants’ stories show that their right to the city and their capacity to move through it are severely compromised because ableism is embedded in Montréal’s built environment and culture. This article explores three issues and 33 actions for an an anti-ableist Montréal. The first issue is presented as a question: How can we build an anti-ableist city? The second issue concerns disabled Montrealers’ mobilities in the face of climate change and the third explores the representations of disabled Montrealers in the media and civic and political life.

Résume

Cet article découle de ma thèse de doctorat intitulée « Rouler/Wheeling Montréal: Moving through, Resisting and Belonging in an Ableist City » (Parent, 2018) et qui présentait la mobilité quotidienne de quinze Montréalaises et Montréalais handicapé·e·s ainsi que deux dimensions différentes du sentiment d’appartenance des participants : leur appartenance aux communautés de personnes handicapées de Montréal et leur appartenance à la ville. Les récits des participants montrent que leur droit à la ville et leur capacité à s’y déplacer sont gravement compromis parce que le capacitisme est ancré dans l’environnement bâti et la culture de Montréal. Cet article explore trois enjeux et 33 actions pour que Montréal devienne anticapacitiste. Le premier enjeu se présente sous la forme d’une question : Comment construire une ville anticapacitiste? La deuxième porte sur la mobilité des Montréalaises et Montréalais handicapé·e·s face aux changements climatiques et le troisième explore les représentations des Montréalaises et Montréalais handicapé·e·s dans les médias et la vie civique et politique.

Keywords:



Introduction

En 2009, un an après avoir découvert le monde des études critiques sur le handicap, j’ai écrit un article intitulé « Cette ville est-elle ma ville? » pour un cours de maîtrise. De retour à Montréal pour l’été, après avoir passé un an à Toronto, je ressentais le besoin de trouver une réponse à ma propre question. Cette ville est-elle ma ville? En quittant Toronto, j’avais laissé derrière moi une plus grande spontanéité, un système de transport en commun plus accessible et un cercle d’amis formidables travaillant sur les enjeux du handicap. De retour à Montréal, pour la première fois de ma vie, je remettais en cause mon appartenance à cette ville. C’est avec cette question difficile en tête que j’ai commencé mes études doctorales. Dans ma thèse, j’ai exploré la mobilité des participant·e·s ainsi que deux dimensions différentes de leur sentiment d’appartenance : leur appartenance aux communautés de personnes handicapées de Montréal et leur appartenance à la ville.

En finissant de rédiger ma thèse de doctorat, j’ai beaucoup réfléchi à la manière dont mon travail pourrait contribuer à éliminer les obstacles. J’ai également réfléchi à la façon dont mes recherches pourraient se faire l’écho des communautés montréalaises de personnes handicapées et se répercuter sur les différents acteurs qui jouent un rôle important dans le façonnement de la ville. Inspirée par les récits que les participant·e·s m’ont partagés lors de mes entrevues roulantes [1] (Parent, 2016), mes propres expériences en tant que chercheure et activiste handicapée ainsi que par le travail d’autres chercheur·e·s en études critiques sur le handicap et en mobilité, j’ai choisi de conclure ma thèse en réfléchissant à cinq enjeux. J’ai également proposé 50 actions pour les résoudre et, je dois l’avouer, je me suis permis de réinventer Montréal au gré de mes envies. Dans cet article, je présente ces trois enjeux ainsi que 33 actions. Le premier enjeu s’articule autour de la question suivante : Comment pouvons-nous construire une ville anticapacitiste? Le deuxième enjeu concerne les mobilités des Montréalais·e·s handicapé·e·s en lien avec les changements climatiques et le troisième explore les représentations des Montréalais·e·s handicapé·e·s dans les médias ainsi que la vie civique et politique. Les actions proposées visent à réduire les obstacles que rencontrent les personnes handicapées montréalaises pour appartenir aux communautés de personnes handicapées, à la ville et à leur quartier. Savo Heleta affirme que « [l]es universitaires pourraient changer le monde s’ils cessaient de parler uniquement à leurs pairs » (2016, traduction libre). C’est pourquoi la plupart des actions proposées sont destinées à des personnes travaillant en dehors du monde universitaire. Sans surprise, plusieurs d’entre elles s’adressent à la Ville de Montréal, au secteur des médias et au mouvement des droits des personnes handicapées. Cependant, presque toutes les actions proposées peuvent être utiles à quiconque souhaite rendre la ville plus accessible et apprendre à combattre le capacitisme dans sa vie quotidienne.

Enjeu 1 : Comment pouvons-nous construire une ville anticapacitiste?

Au cours des dix dernières années, le mouvement montréalais pour les droits des personnes handicapées a réussi à faire connaître le concept d’accessibilité universelle à divers acteurs publics tels que la Ville de Montréal et la Société de transport de Montréal (STM). Ces deux organisations ont adopté des politiques d’accessibilité universelle et plusieurs arrondissements leur ont emboîté le pas. Ces politiques sont courtes – elles ne font pas plus d’une page – et présentent les principaux objectifs et orientations. Les actions nécessaires pour atteindre ces objectifs sont détaillées dans des plans d’action annuels. Bien que les politiques d’accessibilité universelle soient assez récentes, d’autres outils visant à garantir les droits des personnes handicapées dans la ville, comme la Charte des droits et libertés de la personne et la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, sont en vigueur depuis des décennies. Cependant, leur efficacité a été limitée, surtout en ce qui concerne l’accessibilité du cadre bâti. Le mouvement pour promouvoir l’accessibilité universelle s’est développé dans ce contexte. Malgré les changements positifs indéniables apportés par les politiques d’accessibilité universelle, de nombreuses critiques ont montré qu’elles n’étaient pas non plus une panacée.

La Politique d’accessibilité universelle de la Ville de Montréal, par exemple, n’inclut aucun mécanisme de mise en application et a un impact très limité sur le domaine privé, ce qui explique pourquoi les personnes supposément visées par cette politique affirment ne pas avoir vu d’amélioration significative au niveau de l’accès aux commerces de leur quartier. Par exemple, il est possible d’exploiter des entreprises telles qu’Uber sans obligation légale de respecter les normes d’accessibilité (Houde-Roy, 2015). L’absence de mécanismes de mise en application et de réglementations visant le domaine privé a obligé les Montréalais·e·s handicapé·e·s à lutter contre chaque obstacle au cas par cas, ce qui est loin d’être efficace. La plupart ont expliqué qu’elles et ils portaient très rarement plainte en se heurtant à des obstacles, car le processus était épuisant. En outre, il faut reconnaître le contexte néolibéral à l’origine des politiques d’accessibilité universelle. Ces politiques stipulent que leur mise en œuvre dépend de la disponibilité des ressources financières. Même si elle a du sens, cette approche ne tient pas compte du fait que la priorisation des initiatives qui méritent d’être financées est politique. Pour remédier à ces problèmes, certain·e·s militant·e·s demandent l’adoption d’outils législatifs plus stricts.

Deux des principaux arguments en faveur de la mise en œuvre de l’accessibilité universelle sont que cela profitera à tous et à toutes et que c’est économiquement rentable. Ces arguments, même s’ils sont vrais dans la plupart des cas, posent deux problèmes. L’affirmation selon laquelle l’accessibilité universelle est importante parce qu’elle profite à l’ensemble de la population risque de minimiser le fait que l’accessibilité est une question de droits de la personne pour les personnes handicapées. L’accessibilité est ce qui fait la différence entre leur inclusion et leur marginalisation. Cette affirmation suggère également que certaines normes répondent aux besoins de tous les individus. Ravi Malhotra et Morgan Rowe ont soutenu que la conception universelle « semble hériter des Lumières d’un paradigme rationnel d’universalisme qui pourrait ne pas être suffisamment adapté au besoin de tenir compte des différences individuelles » (2013, p. 5, traduction libre). Le professeur et designer Aimi Hamraie (cité dans Persaud, 2018) affirme que, dans le paradigme de la conception universelle, « tout le monde » concerne généralement les personnes non handicapées. Par ailleurs, la promotion de l’accessibilité comme une solution rentable soulève la question suivante : l’accessibilité universelle doit-elle être économiquement rentable pour être mise en œuvre?

Proposition d’action 1 : Modifier la Charte montréalaise des droits et responsabilités afin d’inclure l’engagement de la Ville à éradiquer le capacitisme – Action réalisée en avril 2021

À la toute fin de ma thèse, j’étais particulièrement inquiète de constater que le concept d’accessibilité universelle se positionnait comme la seule solution pour éliminer les obstacles rencontrés par les Montréalais·e·s handicapé·e·s en ville. En 2019, la Ville de Montréal a lancé une consultation publique sur l’accessibilité universelle. Le document d’information sur le processus de consultation et le plan d’action proposé ne font aucune mention de la discrimination fondée sur le handicap et se concentrent principalement sur le cadre bâti. Cependant, grâce au travail des personnes militantes et élues convaincues de l’importance de reconnaître l’existence d’un système d’oppression fondé sur le handicap, la Ville de Montréal a ajouté la lutte contre le capacitisme comme objectif du Chantier en accessibilité universelle lancé par Valérie Plante, mairesse de Montréal, le 10 mars 2020, quelques jours seulement avant que nos vies ne soient bouleversées par la pandémie de COVID-19. En avril 2021, la Ville de Montréal a modifié la Charte montréalaise des droits et responsabilités afin d’inclure son engagement à lutter contre le capacitisme.

Proposition d’action 2 : Reconnaître que le capacitisme interagit avec d’autres systèmes d’oppression

Tout au long de ma thèse, j’ai démontré que le capacitisme et ses intersections avec d’autres systèmes d’oppression sont incontournables si nous voulons construire une ville inclusive, car ces concepts jouent un rôle majeur non seulement dans la formation des environnements urbains, mais aussi dans l’attitude des Montréalais·e·s à l’égard du handicap. Même si le capacitisme a été ajouté à la Charte montréalaise des droits et responsabilités, aux côtés d’autres formes de discrimination, la Ville a encore un long chemin à parcourir avant d’aborder les questions de handicap dans une perspective intersectionnelle et d’inclure la perspective du handicap lorsqu’elle aborde d’autres enjeux tels que le profilage racial. [2]

Proposition d’action 3 : Adopter une loi plus sévère pour éliminer les obstacles

Deux des principales faiblesses de la Loi visant à garantir l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration sociale, scolaire et professionnelle sont l’absence de mécanismes de mise en application de la loi et le fait qu’elle ne s’applique pas au domaine privé. En bref, la loi ne parvient pas à éliminer efficacement les obstacles. La plupart des citoyen·ne·s québécois·e·s, y compris les personnes handicapées, ne sont même pas au courant de son existence. D’autres provinces canadiennes et d’autres pays ont adopté des lois plus sévères visant à éliminer les obstacles. Un nombre croissant de citoyen·ne·s et d’organisations revendiquent pour l’adoption d’une loi sur l’accessibilité plus sévère au Québec. Par exemple, Québec accessible, une initiative citoyenne, a élaboré une liste de principes qui devraient constituer la base d’une loi provinciale sur l’accessibilité plus contraignante.

Proposition d’action 4 : Renforcer le leadership de la ville en créant un Bureau de l’accessibilité et des droits des personnes handicapées

Le bureau pourrait faire partie de la direction Développement social et diversité, qui a pour mandat de promouvoir l’égalité et l’inclusion dans l’ensemble de la ville. En prenant compte que la plupart des Montréalais·e·s handicapé·e·s sont victimes de plusieurs types de discrimination, ce bureau adopterait une approche intersectionnelle parfaitement adaptée à cette direction, qui est actuellement chargée de développer les plans d’action annuels sur l’accessibilité universelle et de veiller à la mise en application de la Politique municipale d’accessibilité universelle. En plus de poursuivre les travaux en cours, ce bureau aurait pour mandat de lutter contre le capacitisme dans les infrastructures municipales et dans l’ensemble de la ville en s’alignant sur son engagement actuel en matière de lutte contre le racisme. Ce bureau conseillerait de manière stratégique la personne élue à la mairie de Montréal ainsi que les multiples services de la Ville sur diverses questions relatives aux personnes handicapées. L’un des principaux avantages de la création d’un tel bureau est d’améliorer la visibilité et le leadership des actions de la Ville en matière d’accessibilité et de lutte contre le capacitisme. La direction du bureau, qui devrait être occupée par une personne handicapée, jouerait un rôle actif et serait connue tant de l’administration que du personnel de la ville.

Aux États-Unis, plusieurs villes ont un Mayor’s Office for People with Disabilities. Ces bureaux jouent un rôle central dans l’administration des villes et contribuent à la vitalité des communautés locales de personnes handicapées.

Priorités du bureau :

Proposition d’action 5 : Éviter les simulations du handicap. Écouter et croire les personnes handicapées à la place

Les simulations du handicap, comme naviguer dans la ville avec un bandeau sur les yeux lorsque vous êtes voyant, sont encore une méthode assez courante pour sensibiliser aux problèmes d’accessibilité. Cependant, de nombreuses personnes militantes et chercheures en droits des personnes handicapées affirment que celles-ci ne fonctionnent pas (Abreu, 2018 ; Ladau, 2014 ; Lavalvani et Broderick, 2013 ; Nario- Redmond, Gospodinov, & Cobb, 2017; Young, 2014). Comme le soutient Stella Young, simuler le handicap ne « permet pas de saisir la nuance et la complexité de la vie dans un corps handicapé. Et cela ne permet certainement pas de comprendre en profondeur la discrimination systémique et les abus dont sont victimes les personnes handicapées. » (Young, 2014, traduction libre).

Proposition d’action 6 : Rémunérer les personnes handicapées pour leur travail

La Ville et d’autres organisations consultent régulièrement des personnes handicapées sur une base individuelle, mais ces consultations sont généralement peu ou pas payées. Le travail des personnes handicapées participant à ces consultations devrait être reconnu et elles devraient recevoir une compensation appropriée.

Proposition d’action 7 : Créer des possibilités d’emploi dans le domaine de l’accessibilité et des droits des personnes handicapées, et accorder la priorité à l’embauche de personnes handicapées pour ces postes

À part dans les organisations de défense des droits des personnes handicapées, très peu d’emplois sont disponibles dans le domaine de l’accessibilité et des droits des personnes handicapées, et ce, même si beaucoup de travail est nécessaire pour rendre la ville accessible. Il y a un besoin évident d’augmenter les embauches dans le domaine de l’accessibilité et des droits des personnes handicapées. Compte tenu de la faible représentation des personnes handicapées en emploi, même dans les emplois en lien avec les enjeux d’accessibilité, des mesures doivent être prises pour garantir que les personnes handicapées postulent à ces postes et reçoivent les accommodements dont elles ont besoin.

Proposition d’action 8 : utiliser le terme « accessibilité universelle » avec prudence et fournir des informations détaillées sur l’accessibilité des événements et des espaces.

Le terme « accessibilité universelle » est fréquemment utilisé pour décrire des événements et des espaces ne fournissant que des mesures d’accessibilité spécifiques, telles qu’une rampe d’accès pour entrer dans un lieu. Ce n’est pas ce que signifie l’accessibilité universelle. Une rampe d’accès à la porte d’entrée n’élimine pas comme par magie tous les obstacles rencontrés par les personnes handicapées. Une utilisation irréfléchie du terme « accessibilité universelle » efface les complexités de l’accessibilité et risque de marginaliser davantage les personnes handicapées.

Enjeu 2 : La mobilité des Montréalais·e·s handicapé·e·s face aux changements climatiques

Les entrevues roulantes que j’ai réalisées lors d’une canicule estivale m’ont permis d’avoir un aperçu de l’impact des conditions météorologiques extrêmes sur la mobilité des Montréalais·e·s handicapé·e·s. De plus, j’ai terminé ma thèse quelques semaines seulement après l’été le plus chaud de l’histoire du Québec. Le Dr Pierre Gosselin, coordonnateur de la santé chez Ouranos, un consortium montréalais sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques, estime que d’ici 2050, Montréal enregistrera 50 jours où la température dépassera les 30 °C par année. Au cours de la vague de chaleur de 2018, 54 personnes sont décédées à Montréal (Fleming, Michaelson, Holmes et Youssef, 2018). Les personnes qui ont perdu la vie ont beaucoup en commun : elles étaient pauvres, isolées et avaient des problèmes de santé physique ou mentale. Les scientifiques et les environnementalistes préviennent que la chaleur sera la prochaine grande source d’inégalité (Ibid.). Bien que les personnes handicapées soient et continueront d’être particulièrement touchées par les effets des changements climatiques, la littérature sur ce phénomène est rare (Wolbring, 2009; Wolbring & Leopatra, 2012). Pour lutter contre les changements climatiques, de nombreux experts ont appelé à une révolution économique. Ils soutiennent que la croissance économique mondiale, telle que nous la connaissons maintenant, est incompatible avec la protection de l’environnement, y compris la survie de l’humanité, et que la décroissance est notre seule issue (Hickel, 2018). Étant donné que les personnes handicapées sont souvent les premières victimes de bouleversements économiques (mesures d’austérité ayant une incidence sur l’accès aux services de santé ou restrictions budgétaires limitant les investissements majeurs dans les projets d’accessibilité) et qu’elles sont mal représentées dans les institutions décisionnelles de haut niveau, il existe un risque réel que la transition vers un autre système économique perpétue leur marginalisation. Récemment, de nombreuses communautés de personnes handicapées ont été confrontées à des initiatives vertes ne prenant pas en compte les personnes handicapées, telles que le mouvement pour l’élimination complète des pailles en plastique des restaurants et des bars (Habel-Thurton, 2018; Imgrund, 2018; Szklarski, 2018). Dans certains cas, il a été avancé que les enjeux liés à l’accessibilité et ceux liés à l’environnement sont incompatibles.

Pour lutter contre les effets irréversibles des changements climatiques, la Ville de Montréal prend des mesures pour créer des environnements urbains plus durables. Cette initiative se traduit inévitablement par la création d’une ville où l’on peut facilement se déplacer à pied et à vélo et qui offre des options de transport en commun intéressantes permettant de réduire la dépendance à la voiture. Tout au long de ma thèse, j’ai démontré que ces infrastructures sont encore difficiles à utiliser pour de nombreuses personnes handicapées. Celles qui se déplacent en voiture en ville ont déclaré qu’elles préféreraient utiliser les transports en commun. Parmi mes participant·e·s, certain·e·s ne se sentent pas inclus·e·s dans la catégorie « piéton·ne·s ». D’autres ont mentionné que, malgré l’autorisation d’utiliser les pistes cyclables avec leur aide à la mobilité, elles et ils ne se sentent pas toujours les bienvenu·e·s ni à l’aise sur celles-ci en raison de mauvaises expériences liées aux attitudes des cyclistes. Ces observations soulèvent la question suivante : le mouvement vers un Montréal plus durable inclut-il les personnes handicapées et les enjeux liés à l’accessibilité? Bien que le nombre de projets intégrant les principes d’accessibilité augmente (parcs inclusifs, infrastructures piétonnes sécurisées, construction ou rénovation de stations de métro), les projets ou les nouveaux services visant à créer une ville plus durable négligent encore souvent les personnes handicapées et les enjeux d’accessibilité.

Aux États-Unis, de nombreux experts ont exprimé leurs préoccupations concernant l’exclusion des personnes handicapées du mouvement pour les villes intelligentes. Jason Plautz (2018) souligne qu’« un sondage mené en 2016 par Smart Cities for All a révélé que 60 % des 250 experts interrogés pensaient que les villes intelligentes laissaient tomber les personnes handicapées, car la technologie actuelle n’est pas conçue pour être accessible et inclusive » (traduction libre). James Thurston, vice-président Stratégie et Développement mondiaux de G3ict, affirme que « les villes transforment la manière dont elles traitent les services et les entreprises, mais elles ne pensent pas à l’accessibilité » (Plautz, 2018, traduction libre).

MTL Trajet, l’un des projets du Plan d’action pour une ville intelligente et numérique de la Ville de Montréal, n’a pas réussi à inclure les personnes handicapées. Développée par l’Université Concordia et le laboratoire Transportation Research for Integrated Planning (TRIP), l’application MTL Trajet « enregistre les déplacements et les temps de trajet des participants, quel que soit le mode de transport utilisé. » (Ville de Montréal, 2018a). Les objectifs de l’application sont de mesurer l’impact de la construction routière sur les usagers et de mieux planifier le développement des réseaux de transport en commun. Bien que la Ville prétende que l’application inclut tous les moyens de transport, MTL Trajet n’inclut pas le transport adapté. En outre, l’application ne permet pas aux personnes utilisatrices d’indiquer si elles sont handicapées, ce qui suppose que tout le monde a les mêmes privilèges en matière de capacité à se déplacer dans la ville.

En ce qui concerne les services de transport, il existe également un risque de creuser l’écart entre les options offertes aux Montréalais·e·s handicapé·e·s et non handicapé·e·s. Malgré l’amélioration de l’accessibilité du réseau de transport en commun de Montréal, sa pleine accessibilité ne sera probablement pas atteinte avant deux décennies. De plus, bien que les nouvelles options de transport, telles que les services de covoiturage, n’offrent pas de services accessibles aux personnes utilisant des aides à la mobilité, cette situation n’a pas encore été identifiée comme un problème au niveau politique. Le mouvement en faveur de la mobilité comme service, qui vise à combiner différents types de services de transport dans une plateforme conviviale et à réduire l’utilisation de l’auto solo, est en essor dans de nombreuses villes, y compris Montréal (Ferraris, 2018). L’urgence de réduire les effets catastrophiques des changements climatiques et le potentiel des villes intelligentes pour éliminer les obstacles rencontrés par les personnes handicapées devraient nous motiver à faire mieux. Le risque de manquer cette occasion unique est réel si les personnes handicapées restent en marge et sont exclues des nouveaux services de transport.

Axe 1 : Prioriser l’urbanisme inclusif et durable pour lutter contre le capacitisme durable

Proposition d’action 9 : Veiller à ce que les stratégies et initiatives de lutte contre les changements climatiques adoptent une perspective axée sur le handicap

L’accessibilité doit être considérée comme faisant partie intégrante de l’urbanisme durable. Les objectifs de développement durable des Nations Unies soulignent l’importance d’inclure les personnes handicapées et d’éliminer les obstacles pour créer des villes plus sûres et durables (Nations Unies, 2015). Selon Erik Leipoldt (2006), spécialiste des études sur le handicap, mettre l’accent sur le concept d’interdépendance découlant d’une perspective axée sur le handicap est la voie à suivre. Leipoldt écrit que « Le concept d’interdépendance tiré des théories du handicap est un guide pratique à partir duquel il est possible de faire de nouveaux choix susceptibles de créer un monde juste et durable – un concept qui réduit la distance qui nous sépare l’un de l’autre comme de notre environnement » (cité dans Wolbring, 2009, traduction libre).

Proposition d’action 10 : Indiquer clairement comment les initiatives en matière de lutte contre les changements climatiques incluent les personnes handicapées et prennent en compte l’accessibilité

Les mesures visant à réduire la circulation automobile à Montréal sont un bon exemple d’initiatives pour contrer les changements climatiques. Il existe néanmoins une tendance à mettre en place des mesures sans fournir d’information sur l’accessibilité pour les personnes handicapées.

Proposition d’action 11 : Investir dans la recherche sur l’urbanisme inclusif et durable

Créer des espaces inclusifs et durables peut être un défi. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier les meilleures pratiques dans le monde et développer des innovations qui répondent à nos besoins locaux. Dans son exposé sur l’avenir du parc Jean-Drapeau, l’Ordre des architectes du Québec (2018) a suggéré que le parc devienne un espace pour mettre en application les meilleures pratiques ou l’emplacement d’un centre de recherche dédié aux projets faisant progresser les connaissances sur l’urbanisme inclusif et durable.

Proposition d’action 12 : Tirer parti du mouvement en faveur des villes intelligentes pour éliminer les obstacles et la discrimination

Les outils existants tels que l’application Montréal - Services aux citoyens, qui permet aux citoyen·ne·s de signaler les obstacles tels que les nids-de-poule, les graffitis et les lampadaires brisés pourraient également être utilisés pour signaler les problèmes d’accès. D’autres outils spécifiquement dédiés à l’accessibilité, généralement développés dans d’autres pays, devraient être testés et publicisés afin d’accroître leur utilisation par les Montréalais·e·s. Par exemple, StreetCo est une application GPS collaborative pour les piétons créée en France comprenant des itinéraires accessibles aux personnes handicapées.

Axe 2 : Prendre des mesures pour éliminer les obstacles et la discrimination que rencontrent les personnes handicapées sur les trottoirs et les pistes cyclables

Proposition d’action 13 : Améliorer l’accessibilité des trottoirs

Les trottoirs en mauvais état font partie des obstacles les plus courants rencontrés par les personnes handicapées. Des investissements importants sont nécessaires et certaines zones de la ville sont particulièrement problématiques. Sur le plan de la conception, le document Aménagements piétons universellement accessibles : Guide d’aménagement durable des rues de Montréal produit par la Ville de Montréal contient les bonnes pratiques pour la construction d’aménagements piétonniers accessibles.

Proposition d’action 14 : Assurer l’accessibilité et la sécurité des détours et de la signalisation temporaires des chantiers de construction

La réglementation concernant les aménagements piétonniers à proximité des chantiers de construction doit être révisée pour inclure des dispositions relatives à l’accessibilité. Les entreprises de construction devraient être obligées d’intégrer l’accessibilité aux aménagements piétonniers temporaires qu’elles construisent. De plus, les panneaux de signalisation sur les trottoirs constituent un danger pour les personnes aveugles. En plus d’être un obstacle sur le parcours des personnes, ces panneaux présentent également des coins coupants et sont difficiles à détecter avec une canne blanche. Des recherches pourraient être menées pour trouver un matériau plus sécuritaire pour les panneaux de signalisation.

Proposition d’action 15 : Promouvoir l’utilisation des pistes cyclables par les utilisateurs d’aides à la mobilité

Depuis le 1er juin 2015, les utilisateurs d’aides à la mobilité motorisées ont le droit d’utiliser les pistes cyclables partout au Québec. Toutefois, à Montréal, ce droit demeure inconnu des autres utilisateurs et utilisatrices des pistes cyclables de la Ville. La Ville de Montréal devrait inclure les personnes utilisatrices d’aides à la mobilité dans les initiatives visant à promouvoir le vélo et informer les autres usager·ère·s de ce droit.

Proposition d’action 16 : Inclure les personnes handicapées dans les initiatives visant à promouvoir le transport actif

Les personnes handicapées sont rarement représentées dans les initiatives visant à promouvoir le transport actif dans la ville. Étant donné que l’objectif de telles initiatives est de changer la perception de la mobilité urbaine par les gens, ces initiatives sont l’occasion idéale pour changer la perception des personnes à l’égard du handicap.

Proposition d’action 17 : Améliorer l’accessibilité en hiver

Comment les autres villes d’hiver mettant en valeur le transport actif et les transports en commun permettent-elles la mobilité des citoyen·ne·s handicapé·e·s pendant la saison froide? Quelles sont les meilleures pratiques pour rendre l’hiver plus vivable pour ces citoyen·ne·s? Ces questions importantes sont encore négligées. De plus, la Politique de déneigement de la ville doit être révisée pour renforcer ses normes d’accessibilité. Par exemple, bien que la politique accorde actuellement la priorité aux arrêts de bus, elle ne traite pas clairement de l’accessibilité des points d’embarquement et de débarquement du Transport adapté. Par conséquent, bon nombre de ces emplacements ne sont pas classés en priorité pour le déneigement, même s’ils constituent des points critiques pour la mobilité de la clientèle du Transport adapté. Par ailleurs, les arrondissements pourraient suivre l’exemple du Plateau Mont-Royal qui a mis en place un programme d’aide aux résident·e·s handicapé·e·s qui ne sont pas physiquement capables de déneiger l’entrée de leur domicile. Il convient de noter que l’efficacité de ce programme repose sur l’amélioration du déneigement à l’échelle de la ville puisque leur destination doit également être accessible.

Axe 3 : Développer davantage d’options de transport sur le modèle de la mobilité comme service et éliminer les obstacles dans les infrastructures et les services existants

Proposition d’action 18 : Améliorer l’accessibilité des systèmes de métro et de bus

Dans son Plan de développement d’accessibilité universelle 2016-2020, la Société de transport de Montréal (2017) a déjà identifié plusieurs actions et projets visant à rendre son réseau accessible. Des investissements importants à long terme seront nécessaires pour rendre le métro entièrement accessible. Une augmentation des coûts est attendue à mesure que la mise en accessibilité des stations gagne en complexité.

En plus des actions annoncées dans le plan de la STM, je propose ce qui suit :

Proposition d’action 20 : Reconnaître que le Transport adapté fait partie intégrante du système de transport en commun de Montréal.

Il reste encore du travail à faire pour que le Transport adapté soit systématiquement inclus dans l’ensemble des initiatives de la Ville en matière de transport en commun. L’absence du Transport adapté comme option dans l’application MTL Trajet et le projet pilote de diminution de la circulation automobile sur l’axe Camillien-Houde/Remembrance sont de bons exemples de cette exclusion. Un Bureau de l’accessibilité et des droits des personnes handicapées pourrait prévenir que le Transport adapté soit laissé de côté.

Proposition d’action 21 : Investir dans le Transport adapté afin qu’il puisse offrir un service efficace

La demande de Transport adapté augmente chaque année, mais le financement du ministère des Transports du Québec a quant à lui stagné. Ainsi, le gouvernement du Québec ne contribue pas autant au financement du Transport adapté que par le passé. En 2018, le gouvernement a annoncé une augmentation du budget, mais celle-ci n’était pas suffisante pour absorber l’augmentation de la demande. Des améliorations technologiques ont été mises en œuvre en 2019 pour réduire le temps d’attente pour la clientèle du Transport adapté et leur fournir des informations plus précises sur l’arrivée de leur véhicule (Société de transport de Montréal, 2018). Même si la clientèle du Transport adapté a bénéficié de ces améliorations, elles se sont avérées insuffisantes pour fournir un service aussi flexible et efficace que celui offert à la clientèle non handicapée. Le gouvernement du Québec doit augmenter ses investissements dans le Transport adapté afin de répondre à la demande croissante et de soutenir le développement d’innovations technologiques visant à améliorer l’efficacité du service pour la clientèle.

Proposition d’action 22 : Développer un service combinant l’utilisation du Transport adapté et du réseau de métro et d’autobus

Les usagers du Transport adapté doivent pouvoir utiliser le plus possible le réseau de métro et d’autobus. Pour ce faire, ils doivent avoir la possibilité de réserver un déplacement avec le Transport adapté à destination d’une station de métro ou d’un arrêt d’autobus sans devoir le faire à l’avance et sans devoir composer avec l’imprévisibilité habituelle du Transport adapté. Un tel service profiterait aussi bien à la clientèle qu’aux sociétés de transport. Par exemple, même si Marie-Josée aimerait utiliser le métro plus souvent, la station de métro près de chez elle n’est pas accessible. Elle doit utiliser le Transport adapté pour se rendre à la station accessible la plus proche sans être obligée de réserver et sans devoir endurer les retards fréquents du Transport adapté. La Commission de transport de Toronto offre un service appelé Family of Services qui facilite l’utilisation de Wheeltrans – le service de transport adapté de Toronto – et du réseau de métro et d’autobus.

Proposition d’action 23 : Mettre en place des places de stationnement réservées à proximité des stations de métro accessibles.

Si les personnes handicapées qui utilisent actuellement leur voiture en raison du manque d’accessibilité du métro pouvaient se garer à proximité de stations accessibles, l’utilisation du métro deviendrait une option intéressante. Des espaces de stationnement réservés à la clientèle handicapée du métro pourraient être aménagés autour de ces stations.

Proposition d’action 24 : Proposer des vélos adaptés en libre-service

La Ville pourrait élaborer un programme de location de vélos adaptés afin de rendre la pratique du vélo plus accessible aux personnes handicapées. La flotte BIXI ne propose actuellement pas de vélos adaptés. La Ville de Portland, en Oregon, a lancé un tel programme en 2017 et, au Québec, la Ville de Victoriaville offre trois types de vélos adaptés.

Proposition d’action 25 : Améliorer l’accessibilité de la flotte de taxis

À Montréal, trouver un taxi accessible en fauteuil roulant sans avoir à le réserver une journée à l’avance est encore difficile. La Ville de Montréal a besoin de travailler avec l’industrie du taxi, la communauté des personnes handicapées et le gouvernement du Québec afin d’augmenter considérablement le nombre de taxis accessibles en fauteuil roulant. Les expériences de villes comme Vancouver, Londres et New York, où la proportion de taxis accessibles aux fauteuils roulants est beaucoup plus élevée, doivent être étudiées.

Proposition d’action 26 : Inclure les véhicules adaptés dans les services d’autopartage

La location d’une fourgonnette accessible est très dispendieuse et hors de portée pour de nombreuses personnes handicapées. Alors que les services d’autopartage gagnent en popularité à Montréal et offrent une option de rechange à l’achat d’une voiture, il est temps d’offrir également des options aux Montréalais·e·s handicapé·e·s. La société australienne d’autopartage Go-Get a inclus un véhicule accessible en fauteuil roulant dans sa flotte. En France, un entrepreneur utilisant un fauteuil roulant a lancé Wheeliz, un programme de location entre particuliers de voiture accessible aux personnes à mobilité réduite.

Proposition d’action 27 : Veiller à ce que les mesures visant à réduire l’auto solo ne pénalisent pas injustement les personnes handicapées

Les mesures prises pour réduire l’auto solo doivent prendre en compte le fait que certaines personnes handicapées ne disposent pas des mêmes options de mobilité que les personnes non handicapées et dépendent de la voiture pour se déplacer. Pour de nombreuses personnes handicapées, le Transport adapté, dans son état actuel, n’est pas assez souple et efficace pour constituer une solution de rechange à la voiture personnelle. De plus, le Transport adapté doit également circuler dans les rues résidentielles, car certaines personnes ont besoin du transport de porte à porte. Voici un bon exemple : en 2020, le centre-ville d’Oslo, en Norvège, sera interdit à la plupart des voitures. Cependant, l’accès aux voitures transportant des personnes handicapées sera maintenu (Deshayes, 2018).

Enjeu 3 : Représentations des Montréalais·e·s handicapé·e·s dans les médias et la vie citoyenne et politique

Bien que Montréal soit souvent fière de sa diversité et de son ouverture face aux différences, le handicap n’a pas encore trouvé sa place au sein des médias ou de la vie politique et citoyenne, aux côtés du genre, de la race et de l’orientation sexuelle. Par exemple, le manque de représentation des personnes handicapées dans les célébrations du 375e anniversaire de Montréal est enraciné dans le contexte culturel du Québec, dans lequel le handicap est laissé de côté et rarement visible dans les médias. Comme l’affirme Jacynthe, « Le handicap, c’est dans l’angle mort de la diversité au Québec. » Je soutiens que ce phénomène rend plus difficile pour les Montréalais·e·s handicapé·e·s de s’identifier fièrement comme étant handicapé·e·s parce que ces personnes ne voient pas les représentations positives d’elles-mêmes. « L’apport des médias est important, en raison non seulement de leur pouvoir, mais aussi de leur force de persuasion; ils jouent un rôle important dans les relations de pouvoir et la conception du handicap », écrivent Katie Ellis et Gerard Goggin (2015, traduction libre). Les répercussions négatives de la rareté des représentations des personnes handicapées dans les médias sont exacerbées par le fait la grande majorité des représentations existantes sont réalisées par des personnes sans handicap. Ainsi, le plus souvent, ces représentations reproduisent des stéréotypes et des préjugés. « Le handicap n’est pas effacé de la culture dominante. Ce sont les voix, les représentations, les perspectives et les récits des personnes handicapées qui sont effacés de la culture dominante », affirme Sara Acevedo, chercheure en études critiques du handicap (Institut des études intégrées de Californie, 2018). Outre la faible représentation dans les médias, les participants et moi-même avons observé des différences entre la couverture médiatique anglophone et francophone des enjeux concernant les personnes handicapées à Montréal. La couverture francophone est moins abondante, tend à utiliser un vocabulaire plus capacitiste et à dépolitiser les enjeux liés au handicap. Lorsque La Presse a lancé une bourse pour soutenir les journalistes émergents de groupes marginalisés au printemps 2018, elle n’a pas inclus les personnes handicapées en tant que communauté marginalisée.

Sur le plan citoyen et politique, la situation n’est pas plus réjouissante. À Montréal, une seule personne candidate handicapée auto-identifiée a été élue lors des élections municipales 2017 [3]. Après les élections, la Ville a organisé une table ronde sur la diversité. L’un des objectifs était de traiter de la question de la représentation dans la vie politique (Cambron-Goulet, 2018), car « les organisations et les décideurs prennent régulièrement des décisions meilleures et plus complètes lorsqu’une diversité de voix est incluse » (Ellison, 2018, traduction libre). Une personne handicapée a été élue au conseil formé de quinze membres. Le 19 octobre 2018, la Ville de Montréal a annoncé que, pour pourvoir aux postes vacants au sein des conseils d’administration et des comités municipaux et paramunicipaux, elle recruterait des personnes provenant d’une banque de candidat·e·s représentant la diversité montréalaise (Ville de Montréal – Cabinet de la mairesse et du comité exécutif, 2018). Créée par Concertation Montréal, partenaire de la Ville, cette banque regroupe des femmes, des personnes de moins de 40 ans, des minorités visibles, des personnes immigrantes et des membres des Premières nations (Concertation Montréal, 2018). Les personnes handicapées ne font pas partie des groupes identifiés comme faisant partie de la diversité, même si cette population est sous-représentée dans les rôles politiques et sur le marché du travail. Il convient également de souligner que le mouvement des droits des personnes handicapées et d’autres mouvements sociaux faisant la promotion de la diversité à Montréal n’ont pas encore réussi à tisser des liens de solidarité forts. D’une part, les autres mouvements sociaux organisent souvent des événements sans prêter attention aux enjeux d’accessibilité; d’autre part, le mouvement des droits des personnes handicapées oublie souvent les réalités des personnes handicapées vivant à l’intersection de différents systèmes d’oppression.

Enfin, certain·e·s participant·e·s ont expliqué rencontrer des obstacles pour participer à diverses consultations publiques, ce qui souligne le fait que la participation des personnes handicapées à la vie citoyenne ne peut être tenue pour acquise. En plus de de difficultés à accommoder les besoins d’accessibilité, certaines consultations ont simplement ignoré les enjeux entourant le handicap. En résumé, le droit de participer aux processus de décision – élément central du droit à la ville – est régulièrement limité pour les personnes handicapées. Considérant que nombre des questions soulevées dans ma thèse nécessitent des actions politiques et, dans certains cas, des modifications législatives, la faible représentation des personnes handicapées dans la vie politique est alarmante.

Proposition d’action 28 : Modifier la Charte montréalaise des droits et responsabilités afin de promouvoir la représentation des personnes handicapées au sein des organes de consultation et de décision

L’article 16 de la Charte montréalaise des droits et responsabilités stipule que la Ville de Montréal s’engage à « promouvoir la représentation des femmes de toutes origines, des autochtones, des minorités visibles et des membres des communautés ethniques et culturelles et des jeunes au sein de forums de consultation et de prise de décision. » Cet article doit être modifié pour inclure les personnes handicapées afin de contribuer à inverser la longue histoire de sous-représentation des personnes handicapées au sein des organes consultatifs et décisionnels de la Ville.

Proposition d’action 29 : Accroître la représentation des personnes handicapées au sein des conseils d’administration et des comités municipaux et paramunicipaux

Afin d’atteindre cet objectif, la Ville de Montréal doit s’assurer que Concertation Montréal inclut les personnes handicapées dans sa banque de candidat·e·s représentant la diversité de la métropole. Les personnes handicapées ayant les compétences et l’expérience nécessaires pour siéger à un conseil d’administration ou à un comité ne sont actuellement pas autorisées à s’inscrire auprès de la banque de candidat·e·s utilisée par la Ville pour garantir la diversité de ces organismes.

Proposition d’action 30 : Examiner les structures, pratiques et politiques des partis politiques afin de s’assurer qu’elles ne sont pas discriminatoires à l’égard des personnes handicapées

Les partis politiques devraient examiner leurs propres structures, pratiques et politiques pour s’assurer qu’elles ne sont pas discriminatoires à l’égard des personnes handicapées. Pour attirer les personnes handicapées dans leurs rangs, les partis politiques doivent pouvoir reconnaître qu’ils peuvent agir de façon capacitiste même inconsciemment. Une personnes handicapé experte en matière d’accessibilité et de politique anticapacitiste devrait mener un tel travail.

Proposition d’action 31 : Recruter des personnes handicapées comme candidat·e·s aux élections

Brooke Ellison (2018) affirme que « les personnes handicapées sont souvent contraintes par les circonstances d’adopter des compétences en leadership, en créativité, en résolution de problèmes et en résilience qui sont requises par des postes électifs » (traduction libre). Les partis politiques devraient chercher à recruter des candidat·e·s handicapé·e·s et leur apporter le soutien nécessaire pour mener leur campagne.

Proposition d’action 32 : Fournir des accommodements appropriés aux politicien·ne·s handicapé·e·s

Étant donné que les personnes handicapées se heurtent à de multiples obstacles dans leur vie quotidienne et que le fait d’être politicien·ne nécessite d’assister à de nombreux événements et réunions et de faire face à des situations imprévues, il ne fait aucun doute qu’être un·e élu·e handicapé·e à Montréal est un défi. Pour remédier à l’absence d’élu·es handicapé·es et leur permettre d’avoir une carrière politique, il est impératif de fournir aux politicien·ne·s handicapé·e·s les aménagements dont elles et ils ont besoin.

Proposition d’action 33 : Améliorer l’accessibilité des consultations publiques de la Ville

En 2018, la Ville de Montréal a lancé sa première consultation publique sur son Plan d’action en accessibilité universelle. Plusieurs mesures ont été mises en place pour assurer l’accessibilité de la consultation, dont la présence de préposé·e·s et d’interprètes en LSQ. Promouvoir à l’avance les mesures d’accessibilité disponibles est essentiel pour encourager la participation des personnes handicapées. En outre, les consultations en ligne doivent être conçues de manière à être faciles à comprendre par le plus grand nombre de personnes possible. La consultation de la Ville sur son Plan d’action en accessibilité universelle comprenait un sondage de dix-neuf pages avec soixante-cinq questions, ce qui n’est pas accessible pour beaucoup de personnes.

Conclusion

La liste d’actions proposée dans cet article est une sélection de celles qui figurent dans ma thèse. Le quatrième enjeu porte sur la participation des Montréalais·e·s handicapé·e·s au sein des processus décisionnels de la Ville ainsi qu’au sein des organismes de défense des droits des personnes handicapées. Le cinquième enjeu soulevé par ma thèse est l’insuffisance de recherche et de ressources sur les enjeux du handicap en français et dans un contexte québécois. Une des limites importantes de ma recherche doctorale est le manque de diversité représentant les communautés montréalaises parmi les personnes avec qui j’ai roulé, notamment en termes de capacités, d’âge, de classe sociale, de race et d’orientation sexuelle. Par conséquent, certaines questions importantes n’ont pas été explorées. Par exemple, rouler avec des Montréalais·e·s queer handicapé·e·s aurait certainement mené à des discussions sur le capacitisme au sein de la communauté queer montréalaise, qui se rassemble principalement dans des espaces et des quartiers qui ne sont pas accessibles en fauteuil roulant. Pour assister à des événements queer à Montréal, je dois généralement laisser mon fauteuil roulant motorisé en bas ou à la maison, ce qui a un impact majeur non seulement sur ma mobilité dans la ville, mais aussi, plus largement, sur mon appartenance aux communautés queer. Au fil des ans, j’en suis venue à éviter ces situations autant que possible. Je sais que je ne suis pas seule.

Même si davantage de recherches sont nécessaires, comme sur les intersections du handicap et des communautés queer en relation avec la mobilité et la vie urbaine, il n’y a également aucune raison de ne pas agir dès maintenant pour mettre en œuvre des changements significatifs pour les années à venir. Pour ce faire, la ville doit reconnaître que le capacitisme est ancré dans son ADN. Il faut également que les Montréalais·e·s handicapé·e·s soient un peu plus en colère et un peu moins enclins aux compromis lorsque vient le temps de réinventer la ville.

Je tiens à souligner le soutien financier des Fonds de recherche du Québec – Société et Culture pour la préparation de cet article.

Endnotes

  1. Malgré une littérature de plus en plus abondante sur les pratiques de la marche, les méthodes mobiles, les mobilités différentielles et la justice en matière de mobilité, on en sait peu sur ce que signifie se déplacer dans la ville en fauteuil roulant. Alors que d’autres chercheur·e·s en mobilité intègrent l’action de rouler à leurs recherches (par exemple, en étudiant le cyclisme), j’offre une nouvelle perspective sur une forme de pratique roulante qui a été historiquement ignorée et dévalorisée. En tant que chercheure utilisant un fauteuil roulant motorisé, j’ai exploré ce que signifiait mener des entrevues en roulant, plutôt que des entrevues « traditionnelles » à pied, avec 15 Montréalais·e·s handicapé·e·s. Les entrevues ont été enregistrées avec une caméra GoPro, montée sur mon propre fauteuil roulant et sur le fauteuil roulant des participant·e·s qui en utilisaient un. La méthodologie mobile développée dans cette recherche s’appuie sur les recherches d’Arseli Dokumaci (2013; 2014a; 2014b; 2018) sur le handicap en tant que méthode et les possibilités du quotidien ainsi que sur mes propres recherches militantes sur le capacitisme au Mobile Media Lab de l’Université Concordia.
  2. Aux États-Unis, des recherches ont démontré que les Afro-Américain·e·s handicapé·e·s courent un plus grand risque d’être victimes de brutalités policières que leurs homologues handicapés blancs (Thompson, 2021).
  3. Les personnes handicapées sont sous-représentées en politique canadienne. « Sur les 2 084 candidats possibles au cours des trois dernières élections dans chaque province, 20 d’entre eux présentaient un handicap, selon les répondants à l’enquête – environ 0,01 % », explique Mario Lévesque (Thomson, 2014).

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