La cécité dans les Mémoires d’aveugle de Derrida
un renversement paradoxal de sa représentation traditionnelle
DOI:
https://doi.org/10.15353/cjds.v8i6.584Abstract
En 1989, Derrida est sollicité par le Musée du Louvre pour réaliser une exposition sur le thème de son choix et en écrire le commentaire. C’est alors qu’il découvre qu’il ne peut cligner de son œil gauche, ce qui s’avère être le symptôme d’une maladie d’origine virale. Le sujet s’impose à lui — les dessins d’aveugles, lesquels vont soutenir son questionnement : la cécité serait-elle au fondement de la vue ? L’ouvrage Mémoires d’aveugle. L’autoportrait et autres ruines (Derrida, 1990) reproduit le texte qu’il écrivit pour l’occasion, ainsi qu’une sélection des œuvres exposées. Du point de vue des études sur le handicap, nous nous interrogeons, dans cet article, à notre tour : lorsque l’on soutient, comme Derrida, que l’« aveuglement » est la condition de possibilité du dessin, et plus largement de la visibilité, que dit-on de la cécité ? Refuse-t-on son assignation comme déficience, fait-on d’elle un handicap tel que le conçoivent les Disability Studies, à savoir un empêchement socialement élaboré ? Cet article montre d’abord que Derrida, dans son ouvrage, révèle que la cécité, dans les traditions juive, chrétienne et philosophique, oscille entre excès et défaut de savoir. Puis, il souligne la façon dont le philosophe déconstruit cette représentation au profit d’une conception de l’« aveuglement » comme une puissance dont les aveugles, qui selon lui sont des êtres passifs, demeurent privés.
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