Handicap, souveraineté et politique de la mort : interpréter l’AMM (aide médicale à mourir) à travers le prisme des études critiques sur le handicap

Résumé

Si la mort n’a rien de naturel, de quelles manières la structurons-nous socialement? Étant donné que le handicap est souvent perçu comme un memento mori, que peuvent nous révéler les études sur le handicap quant à cette organisation sociale de la mort, notamment à travers des méthodes interprétatives propres à ce champ? Comment notre langage donne-t-il forme à l’apparition de la mort, tout en exposant les façons dont elle est socialement accomplie, limitée et rendue possible dans le cadre de la production culturelle du savoir? Achille Mbembe écrit dans la revue Necropolitics : « la souveraineté signifie la capacité de définir qui compte et qui ne compte pas, qui est jetable et qui ne l’est pas » (Mbembe 2019 [2003], 80 [27]). Comment notre production de savoir reflète-t-elle ce pouvoir de catégoriser la valeur des individus dans des « catégories évidentes » socialement construites (Kafer 2013, 10), et quelles sont les conséquences de cette limitation sur notre capacité à élargir les concepts qui définissent la valeur d’une vie humaine — en particulier dans le contexte du Cinquième rapport annuel de Santé Canada sur l’aide médicale à mourir au Canada, 2023 (publié en 2024)? Cet article examine la manière dont, dans les sociétés occidentales contemporaines, nous interprétons le sens de la mort à travers une analyse approfondie de certaines représentations culturelles. Ces dernières nous invitent à réfléchir : (i) aux modalités par lesquelles la mort peut être socialement accomplie, et (ii) à la manière dont notre langage restreint les possibilités de penser la mort. Ce faisant, il devient possible de dévoiler et d’interroger les conceptions normatives de la vie, de la mort et du handicap, et d’envisager les transformations nécessaires de nos cadres conceptuels.