Mad, rendu mad et rendant mad : une étude duo-ethnographique mad du parcours universitaire

Résumé

L’enseignement supérieur est largement reconnu comme un environnement hostile envers les personnes folles (ou rendues folles) et handicapées. Qu’elles soient étudiantes, membres du corps professoral ou du personnel, elles y subissent de fortes discriminations et exclusions, ainsi que des formes de violence épistémique et institutionnelle (Shanouda, 2019). En tant que deux universitaires et militante et militant ayant enseigné et appris dans des contextes d’enseignement supérieur marqués par la folie (ou la production de folie), nous nous inscrivons dans une démarche critique et activiste visant à créer des conditions d’apprentissage affirmatives pour les personnes étudiantes folles, en perturbant le statu quo capacitiste et saniste qui domine l’univers académique. À travers une approche duo-ethnographique (Sawyer & Norris, 2012) fondée sur les principes du currere de Pinar (1994), c’est-à-dire une exploration autobiographique de ses expériences éducatives, cet article examine trois dimensions de l’enseignement universitaire de premier cycle : (a) l’identité mad, (b) les subjectivités rendues mad, et (c) l’université en tant qu’espace rendant mad. Nous explorons ces thèmes par une écriture conjointe, intime et personnelle, en mettant l’accent sur nos rencontres et apprentissages avec la communauté mad et en son sein, sur l’état actuel de l’enseignement supérieur néolibéral, ainsi que sur notre volonté de promouvoir une politisation de la folie dans ce contexte. En développant ces axes, nous soulignons leurs interconnexions et tissons nos trajectoires de vie en tant que personnes enseignantes et apprenantes engagées dans l’université. Tout au long de notre écriture duo-ethnographique, nous cherchons à critiquer et à perturber les conditions d’exclusion qui persistent dans l’enseignement supérieur, tout en affirmant la folie comme identité politique et comme communauté de coalition. Nous concluons en formulant des recommandations pour que l’université puisse offrir des conditions d’apprentissage plus affirmatives aux étudiantes et étudiants de premier cycle, tout en ouvrant un espace à la communauté mad et à l’activisme.