Lisible, visible, voyant : l’ingéniosité des personnes handicapées et les « accommodements pour personnes sans handicap » dans les mémoires sur le handicap

Résumé

Les récits à la première personne portant sur le handicap et les maladies chroniques sont à la base du développement des études sur le handicap et de l’activisme des personnes handicapées. La création de mémoires littéraires sur le handicap impose certaines exigences rhétoriques à la personne qui rédige, l’obligeant à « traduire » ses expériences uniques comme sujet avec un handicap dans un langage que le lectorat sans handicap est capable de comprendre. En utilisant les concepts clés des écrivains handicapés Eli Clare et Neil Marcus, cet essai évalue les mémoires sur le handicap comme une technologie d’assistance produite non pas pour les personnes handicapées, mais par des écrivaines et écrivains handicapés au profit d’un lectorat qui possède une expérience incarnée du handicap et de la maladie chronique limitée. Ces « accommodements d’accessibilité » servent à atténuer les effets de ces limitations expérientielles afin de faciliter l’engagement des lecteurs et lectrices sans handicap avec les modes d’être et de savoir handicapés. Cet essai offre un aperçu des stratégies rhétoriques que les mémorialistes handicapé·es utilisent pour rendre leurs récits accessibles, et passe en revue des exemples de mémoires littéraires d’auteurs et d’autrices écrivant sur différentes conditions mentales, neurologiques et physiques tout en les vivant directement. Je soutiens que l’adaptation d’un récit à la première personne sur le handicap entraîne une désincarnation nécessaire et inévitable de l’histoire de la personne qui la rédige. Cette désincarnation n’est pas un échec de la personne à représenter sa vie pleinement et avec précision, mais plutôt une solution ingénieuse de la part des écrivaines et écrivains handicapés, atteints de maladies chroniques, en phase terminale et neurodivergents. Lorsque pensés comme une technologie d’assistance, les mémoires sur le handicap subvertissent la dynamique de pouvoir typique personne handicapé-personne sans handicap, plaçant la personne sans handicap comme utilisatrice d’accommodements fournis par l’auteur·ice handicapé·e.